En Syrie, avec l'évêque qui ne veut pas fuir
Alors que des milliers de chrétiens ont fui le nord de la Syrie, attaqué par les hommes de Daech en 2015, La Croix a passé Noël avec l'archevêque de Hassaké-Nisibe, qui a choisi de rester, envers et contre tout.
Alors que des milliers de chrétiens ont fui le nord de la Syrie, attaqué par les hommes de Daech en 2015, La Croix a passé Noël avec l'archevêque de Hassaké-Nisibe, qui a choisi de rester, envers et contre tout.
Mgr Jacques Behnan Hindo, archevêque de Hassaké-Nisibe, célèbre la messe dans le sous-sol de l'église Sainte-Marie de Hassaké, dont la construction a été interrompue par la guerre. / Chris Huby/Pictorium
Dans le nord de la Syrie, Mgr Jacques Behnan Hindo, 75 ans, fait figure de résistant de la communauté syrienne-catholique. L'archevêque de Hassaké-Nisibe a décidé de ne jamais quitter son pays. « Depuis 1 400 ans, nous sommes menacés de martyre. Tant qu'il y aura un chrétien, je resterai. Je partirai le jour où il n'y aura plus personne. Certains évêques m'ont recommandé de partir ou bien de me taire, mais je ne peux pas quitter ma vie, je ne peux pas me quitter moi-même. »
Depuis son bureau, les tirs de kalachnikov résonnent à quelques rues. « Vous entendez ? Les rues sont vides car les gens savent que cela peut éclater à tout moment. À chaque fois qu'il y a des affrontements, ils ont lieu dans le quartier des six églises », s'insurge Mgr Hindo, qui regrette que ces affrontements terrorisent les fidèles qui n'osent plus se rendre à la messe par crainte d'être pris pour cible. « Il y a encore des gens qui y croient, c'est ce qui me pousse à rester. »
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En cette nuit de Noël, ceux qui y croient toujours se sont rendus par dizaines dans le sous-sol de l'église Sainte-Marie, où l'archevêque a célébré la messe. Depuis le début du conflit, la construction de l'église a été arrêtée. « C'est important pour nous d'apporter un peu de gaieté à notre communauté et particulièrement à nos enfants, qui vivent dans une ambiance morose depuis cinq ans. » Cette année encore, les syriens-catholiques ont fêté Noël à Hassaké. Qu'en sera-t-il l'année prochaine ? La question est dans tous les esprits.
« Je me suis engueulé avec Dieu »
En 2015, la communauté syrienne-catholique a été victime d'une tentative de génocide de la part des membres de Daech. En quelques heures, des centaines de familles ont dû quitter précipitamment leurs villages situés sur la vallée du Khabour. Depuis, le nombre de fidèles s'est considérablement réduit.
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« Dans la vallée, il ne reste plus que trois prêtres, reprend Mgr Hindo. Ils sont restés par conviction. L'évêque syrien-orthodoxe est parti lui aussi. 90 % des chrétiens de la région veulent partir. Pour être honnête, lors de l'attaque contre nos villages du Khabour, je me suis demandé : "Où est Dieu ?" Je me suis engueulé avec lui, ou bien c'est lui qui m'a engueulé, mais je n'ai jamais perdu la vision du Christ sur la croix. C'est cette image qui me soutient. »
À Hassaké, on ne compte plus les check-points installés par les Kurdes des unités de protection du peuple (YPG) ou par les soldats fidèles au président Bachar Al Assad. En août 2015, la ville a été le théâtre d'affrontements intenses entre les forces kurdes et celles de l'armée loyaliste. Dans les rues qui jouxtent l'archevêché, les murs portent encore les stigmates des affrontements.
« Je ne me défendrai pas »
Devant les hautes grilles de l'église, deux jeunes combattants kurdes montent la garde. Mgr Hindo ne cache pas son amertume. « Les YPG ne protègent pas l'église. Tout cela, c'est une mascarade pour mieux surveiller mes faits et gestes. Je n'accepte pas d'armes dans l'enceinte de l'archevêché. Je ne suis pas armé et je ne le serai jamais. Si on doit me tuer, je ne me défendrai pas. »
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Matthieu Delmas (à Hassaké, Syrie)
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