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30/5/2015
Quelque 250 colis ont été distribués la semaine dernière aux familles irakiennes inscrites à l'évêché chaldéen de Beyrouth. Des pâtes, du riz, de la semoule, des conserves, rassemblés dans un petit carton soigneusement préparé par les bénévoles de la paroisse. Cette fois-ci, la distribution était assurée par le Comité de soutien aux chrétiens d'Orient (CSCO), une association belge fondée en 2013 par Simon Najm, un chirurgien belgo-libanais. En temps normal, l'ONG Caritas International subventionne les dons de nourriture aux réfugiés.
Aux côtés des chaldéens, une cinquantaine de syriaques-orthodoxes avaient fait le déplacement depuis Zahlé, où ils se sont installés il y a un peu moins d'un an. « Nous sommes partis à cause de l'organisation État islamique (EI), raconte un vieil homme. Ils nous avaient demandé de choisir entre nous convertir, partir et payer un impôt. » La majorité des chrétiens de Mossoul a quitté la ville, expliquent les hommes rassemblés sur les marches de la cathédrale Saint-Raphaël, à Hazmieh. « Nous n'avons aucune nouvelle des rares personnes qui n'ont pas pu partir. »
« Contrairement aux yazidis, les chrétiens d'Irak ont bénéficié de cette faveur de pouvoir choisir de partir ou de mourir », explique Raphaël Paul Koupaly, vice-président de la société de bienfaisance chaldéenne et professeur d'anthropologie à l'Université Saint-Joseph (USJ). « Les yazidis ont été exterminés car ils sont considérés comme des satanistes par les combattants de l'EI alors que les chrétiens sont des gens du Livre, poursuit-il. C'est ce qui les a sauvés. » En revanche, des villages entiers ont été détruits, des églises brûlées et des maisons taguées d'un signe rouge.
(Pour mémoire : La misère discrète des assyriens du Khabour réfugiés au Liban)
Un cercle vicieux
« Les déplacés irakiens ont la particularité de ne pas vivre dans des camps, précise Raphaël Paul Koupaly. Ils n'ont d'ailleurs pas le statut de réfugiés. » Contrairement aux Syriens, les chrétiens d'Irak arrivent au Liban avec un visa touristique. Ils louent ensuite des appartements. Au Liban, la vie est chère pour ces immigrés de fortune : « Ils ont du mal à payer leurs loyers, souvent très élevés (600 dollars pour une chambre et un cabinet de toilette), car ils ne peuvent pas travailler, indique encore Raphaël Paul Koupaly. Nous avons fait le calcul. Si nous voulions payer le loyer de tous les Irakiens, nous aurions besoin de deux millions de dollars par mois ! »
Autre problème lié à leur statut spécial, les Irakiens ne bénéficient pas de l'aide des Nations unies pour l'accès aux soins : « L'UNHCR ne paie pas leurs médicaments, car ils n'ont pas le statut de réfugiés », poursuit le bénévole. Au même moment, dans un des bureaux administratifs de l'institution, un homme d'une quarantaine d'années, ordonnance en main, explique avoir besoin d'argent pour acheter ses médicaments. « Il a besoin d'un traitement lourd et très coûteux. Une seule boîte de médicament coûte 150 dollars ! » intervient une autre bénévole.
À cela vient s'ajouter le problème de la scolarisation des enfants : « Les deux tiers des petits Irakiens ne sont pas scolarisés, explique Raphaël Paul Koupaly. L'évêché paie les frais d'inscription à hauteur de 200 dollars par personne. »
Face à l'afflux de réfugiés, le Liban ne délivre plus de permis de séjour pour les Irakiens. « Le processus est complètement bloqué, note Raphaël Paul Koupaly. Une fois que leur visa touristique arrive à expiration, ils passent en situation irrégulière. Il n'y a pas d'expulsions, mais le jour où ils veulent quitter le pays, ils doivent payer 200 dollars par personne et par année supplémentaire passée sur le territoire libanais. »
(Pour mémoire : Voisins dans les villages chrétiens du Khabour syrien, ils se retrouvent dans un centre balnéaire au Liban)
Le Liban dans l'impasse
Ils sont aujourd'hui plus de 3 000 familles irakiennes à vivre au Liban. Chaque semaine, ce sont plus de soixante nouveaux réfugiés qui viennent gonfler les registres de l'évêché chaldéen de Beyrouth. Des Irakiens chrétiens, chaldéens, syriaques, assyriens pour la plupart, victimes des conflits qui empoisonnent leur pays. Un exode qui s'est amplifié depuis l'arrivée de Daech en Irak et la prise de Mossoul en juin 2014. L'État libanais n'arrive plus à faire face à l'afflux massif de réfugiés, syriens en grande majorité, et leur situation à l'intérieur du pays est alarmante. « Ce n'est pas la faute des autorités libanaises, précise Simon Najm. La communauté internationale doit assumer ses responsabilités. »
Faute d'une aide de l'État, c'est l'évêché qui prend en charge les réfugiés, dans la mesure de ses moyens. Pour chacun d'entre eux, la société de bienfaisance chaldéenne remplit une fiche d'entrée et leur donne une carte pour la distribution de l'aide humanitaire, une petite carte bleue avec un numéro qui leur donne droit à venir réceptionner les colis. « Chaque semaine, nous sélectionnons 250 numéros, la semaine d'après, c'est les 250 suivants et ainsi de suite », explique Mira Kassarji, une bénévole. L'évêché a aussi créé un centre médico-social pour subvenir aux soins des plus démunis. Faute de pouvoir le financer seul, l'évéché a cédé le centre à Caritas.
En attendant des jours meilleurs, les 18 000 déplacés irakiens au Liban rêvent de stabilité. La plupart ne veulent plus retourner en Irak, même si la situation s'améliore. « Nous voulons vivre sur un territoire où nous aurons la sécurité et où nous pourrons pratiquer notre religion sans être inquiétés, lance un vieux monsieur originaire de Mossoul. N'importe où, du moment que nous sommes respectés. »
Le CSCO, une association qui vient en aide aux réfugiés irakiens
La Société médicale euro-libanaise (SMEL) a fait récemment un don aux déplacés chrétiens d'Irak et de Syrie installés au Liban. L'Orient-Le Jour a rencontré l'un des membres fondateurs de l'association, le Dr Simon Najm, chirurgien libanais établi en Belgique, également président du Comité de soutien aux chrétiens d'Orient (CSCO).
Pourquoi avez-vous créé le CSCO ?
En tant qu'association médicale, nous avons voulu soutenir les déplacés chrétiens d'Irak et de Syrie. Avec la SMEL, nous avions déjà soutenu des projets humanitaires au Liban et en Belgique. Nous, chrétiens d'Orient à l'étranger, avons une bonne situation. Nous vivons en paix. Cela m'a donné envie d'aider ceux qui n'ont pas cette chance. J'ai ainsi pris contact avec toutes les communautés. J'ai même impliqué l'Église romaine en Belgique afin que nous travaillions ensemble. La montée de l'extrémisme en Orient nous a alarmés. Le rassemblement a vu le jour en février 2013, six mois avant la prise de Mossoul par l'organisation État islamique (EI). Depuis, on peut dire que la situation à Mossoul a précipité les manifestations.
Comment se présente la situation des réfugiés chrétiens d'Orient en Belgique ?
La situation des déplacés en Belgique est plutôt bonne. Elle n'est pas comparable à leur situation au Liban, puisque la Belgique compte très peu de déplacés irakiens et syriens. Leur nombre ne dépasse probablement pas les 500. La communauté des chrétiens d'Orient de Belgique participe à l'accueil des réfugiés. Les paroisses belges et la population en général sont très généreuses à l'égard des déplacés.
Quelles sont les différentes actions que vous menez en faveur des réfugiés chrétiens en Belgique et ailleurs ?
En Belgique, nous avons organisé deux veillées de prières sous la direction de Mgr André Léonard, ancien archevêque de Malines-Bruxelles. J'ai également été contacté par le ministère de l'Intérieur au sujet de la politique d'accueil des déplacés. Dans le domaine humanitaire, nous avons envoyé un convoi aérien de quinze tonnes à Erbil (Irak), ainsi qu'un convoi terrestre. Au niveau politique, nous avons alerté l'Union européenne et l'État belge.
Par ailleurs, nous avons lancé, en partenariat avec l'association Œuvre Orient, une opération visant à financer des logements en Irak. Nous avons déjà réussi à loger 500 familles. Prochainement, nous comptons faire venir la chorale libanaise « La voix d'antan », dirigée par le père Torbey, pour donner un concert dans la basilique Saint-Charbel à l'occasion des cinquante ans de sa béatification. Les recettes serviront à aider les déplacés qui veulent rentrer dans leurs villages.
Pourquoi avez-vous fait ce don à l'évêché chaldéen ?
Ce don est important parce qu'il constitue un premier contact avec les déplacés au Liban. Trois personnes de l'association étaient déjà venues en 2014 avec l'armée belge. Je connaissais déjà l'évêque de Beyrouth, Michel Kassarji, qui est un homme admirable. Je savais que les distributions étaient très bien organisées. J'ai voulu respecter leurs procédures et leur façon de travailler. Nous avons fait un virement à l'évêché qui s'est ensuite occupé de tout.
Comment voyez-vous l'avenir des chrétiens au Moyen-Orient ?
Nous devons réfléchir sérieusement à l'avenir. L'Orient se vide de ses chrétiens. Il est impératif donc d'adopter une solution d'avenir. Cela nécessite une décision politique : la communauté internationale et les Nations unies ont le devoir de protéger les populations chrétiennes de la région. Au Liban aussi, nous devons prendre conscience de la nécessité que les différentes communautés se rapprochent pour faire face à la menace jihadiste. Les chrétiens du Liban doivent défendre les chrétiens d'Irak et de Syrie. Les musulmans doivent aussi nous défendre, car si l'Orient se vide de ses chrétiens, la porte sera alors ouverte à l'extrémisme. Nous nous trouvons tous face à la même menace.
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