Le processus de restitution de biens confisqués par l'État turc aux communautés religieuses dans les années 1920-1940 vient de franchir un nouveau cap.
Le processus de restitution de biens confisqués par l'État turc aux communautés religieuses dans les années 1920-1940 vient de franchir un nouveau cap.
Le gouvernement a annoncé la remise au Patriarcat œcuménique de Constantinople de l'orphelinat de l'île de Büyükada, dans la mer de Marmara, et du gymnase de Galata, à Istanbul.
Ce geste marque-t-il une avancée pour la restitution du séminaire de Halki, près d'Istanbul ? Maintes fois annoncée, sans cesse ajournée, la réouverture de ce séminaire, enjeu crucial pour l'avenir de l'orthodoxie en Turquie, demeure à ce jour incertaine : selon une information communiquée par l'agence ENI, le gouvernement turc souhaite en effet « conditionner » cette autorisation à des concessions similaires à l'égard des musulmans en Grèce voisine.
Porte-parole du Patriarcat œcuménique de Constantinople, le P. Dositheos juge cette exigence invraisemblable : « Je ne comprends pas quel rapport il peut y avoir avec ce qui se décide en Grèce, un pays avec lequel nous n'avons rien à faire », s'insurge-t-il, estimant que « la question du séminaire de Halki doit être résolue entre le Patriarcat, Ankara et l'Union européenne ».
UNE RESTITUTION SOUMISE À CONTREPARTIES
Le prêtre réagissait aux propos tenus fin mars par le ministre turc en charge des relations avec l'Union européenne, Egemen Bagis. Selon ce dernier, la restitution du séminaire de Halki ne constituerait « pas une menace » pour la Turquie, pour autant qu'en contrepartie les droits des musulmans s'améliorent en Grèce, pays majoritairement orthodoxe.
« Nous espérons que les problèmes de nos frères et sœurs musulmans vont être résolus, à l'instar des problèmes des citoyens orthodoxes de Turquie », précise le ministre dans le quotidien turc Hurriyet. « La Turquie a pris de très importantes mesures dans ce domaine, encore inimaginables il y a dix ans, fait-il valoir. Il est temps aussi que la Grèce, une démocratie de l'Union européenne, assume ses responsabilités en agissant concrètement. »
Or, cette information contredit directement l'engagement pris il y a peu par le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. En marge du sommet sur la sécurité nucléaire, qui s'était achevé à Séoul (Corée du Sud) mardi 27 mars, celui-ci avait annoncé publiquement la réouverture prochaine du séminaire orthodoxe de Halki.
IMPORTANCE SYMBOLIQUE ET STRATÉGIQUE DE HALKI
Cette annonce, le premier ministre Erdogan avait pris soin de la formuler au cours d'une rencontre avec le président américain Barack Obama, qui l'avait félicité de ses « efforts afin de défendre les minorités religieuses », ajoutant sa satisfaction d'apprendre la décision de la réouverture de la Faculté de Halki.
De fait, ce séminaire revêt une importance à la fois symbolique et stratégique pour l'orthodoxie : fondé en 1844, l'institut de théologie de Halki, situé sur l'île d'Heybeliada, au large d'Istanbul, a été le principal centre d'éducation religieuse orthodoxe en Turquie pendant plus d'un siècle, avant d'être fermé par les autorités turques en 1971, en vertu d'une loi plaçant les universités sous contrôle de l'État.
Cette législation pose un grave problème pour l'avenir de l'orthodoxie au sein de l'ancienne Constantinople : le patriarche devant être de nationalité turque et avoir été formé en Turquie, la succession de l'actuel patriarche de Constantinople, Bartholomeos Ier – loin d'être à l'ordre du jour, ce dernier étant âgé de 72 ans – risque en effet de se heurter à l'impossibilité du Patriarcat œcuménique de former des clercs en Turquie.
AMBIGUÏTÉ D'ANKARA À L'ÉGARD DES CHRÉTIENS
Les États-Unis, tout comme l'Union européenne, demandent depuis longtemps la réouverture de ce séminaire. Des responsables turcs s'y déclarent régulièrement favorables, tout en invoquant des problèmes de procédure pour en ralentir le processus, l'établissement ne correspondant à aucune catégorie dans le système d'enseignement turc.
Le gouvernement islamiste modéré d'Erdogan passe néanmoins pour être favorable au respect du droit des minorités religieuses, condition essentielle pour une éventuelle adhésion de la Turquie à l'Union européenne. Dans les faits, les communautés chrétiennes, qui ne représentent plus que 90 000 fidèles – soit 0,1 % de la population – demeurent étroitement encadrées. Les déclarations contradictoires au sujet de la réouverture du séminaire de Halki reflètent l'ambiguïté d'Ankara à leur égard.
François-Xavier Maigre (avec Apic et ENI)
12/4/12 - 15 h 50 LA CROIX - MONDE
JTK = Envoyé de mon iPad.
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