4/1/2014-La société civile se mobilise pour la bibliothèque incendiée de Tripoli - Elie WEHBE
Quelques heures après l'incendie criminel qui a ravagé vendredi soir la librairie Saeh à Tripoli (Liban-nord), l'une des plus vieilles bibliothèques du pays, la société civile s'est mobilisée et a organisé samedi un rassemblement pacifique et une campagne pour aider à la reconstruction de cet endroit historique.
"Cette bibliothèque fait partie du patrimoine de la ville de Tripoli. C'est une librairie historique", explique à Lorientlejour.com Me Khaled Merheb, avocat à la cour de la grande ville du nord et l'un des organisateurs de la campagne.
La bibliothèque Saeh, qui appartient au père Ibrahim Surouj, un prêtre orthodoxe de Tripoli, a été incendiée dans la nuit de vendredi à samedi par des inconnus. Le feu a détruit les deux tiers des quelque 80.000 livres et manuscrits qui y étaient entreposés.
"Nous étions mobilisés même avant l'incident car le père Ibrahim Surouj avait reçu des menaces (...). Mais les autorités nous avaient rassurés", ajoute Khaled Merheb qui réside à Tripoli.
L'incendie est survenu alors qu'avait été découverte une "brochure offensante à l'égard de l'islam et du prophète Mahomet", a affirmé samedi à l'AFP une source proche des services de sécurité. Selon des membres de la société civile, cette brochure a été attribuée au père Surouj, ce qui a provoqué des tensions dans la ville. Mais selon la source citée par l'AFP, le prêtre a rencontré des dirigeants musulmans de la ville et "il est apparu évident qu'il n'avait rien à voir avec la brochure".
Lors d'une conférence de presse, le responsable des Forces de sécurité intérieure (FSI) à Tripoli, Bassam al-Ayoubi, a confirmé que le père Surouj n'avait "absolument aucun lien avec la brochure".
Me Merheb affirme avoir été choqué lorsqu'il a appris que la librairie avait été incendiée et dénonce le manque de sérieux des autorités. Le père Ibrahim Surouj "a été menacé à plusieurs reprises... Est-ce logique de laisser la bibliothèque sans protection ?", s'insurge l'avocat.
"Le père Surouj est respecté et aimé par les musulmans plus que les chrétiens. C'est un vrai Tripolitain qui n'a jamais abandonné la ville même durant la guerre", poursuit-il.
"Le Père Surouj nous représente tous. Le silence des habitants de Tripoli est inacceptable. Notre rassemblement aujourd'hui est symbolique et constitue le premier d'une série de mouvements que nous allons organiser en guise de solidarité avec le prêtre. Nous ne voulons pas que les politiciens se mêlent de cette affaire, insiste l'avocat. Les responsables de ce crime doivent être arrêté et punis".
S'exprimant à la télévision libanaise, le prêtre a assuré qu'il "pardonnait" à ceux qui avaient incendié sa bibliothèque.
Une page Facebook a été créée samedi en soutien au père Surouj et des appels à manifester pacifiquement et à aider à la reconstruction de la librairie ont été lancés. Dès samedi, des activistes se sont rendus sur place pour aider à sauver et préserver ce qui reste de la bibliothèque, selon Me Merheb.
Parmi ces activistes, Taha Baba, un résident du quartier de Abi Samra à Tripoli, qui ne connaissait pourtant même pas l'existence de la bibliothèque avant l'incendie de vendredi soir.
"Lorsqu'on m'a dit qu'une librairie avait été incendiée, j'ai cru qu'il s'agissait d'une librairie comme les autres (...). Et puis j'ai compris que cette librairie contenait des livres d'une valeur inestimable... Nous avons même trouvé des livres écrits à la main et qui datent de plus de 400 ans", raconte Taha, 25 ans. "Je ne suis pas un amateur de lecture, mais lorsque j'ai découvert que cette bibliothèque est vraiment la plus importante et la plus ancienne de Tripoli, j'ai décidé de participer à cette campagne."
Selon la LBC, deux personnes à l'origine de l'incendie ont été identifiées.
Le sinistre a été condamné par de nombreux responsables du Liban-Nord.
L'un des leaders salafistes de Tripoli, Cheikh Salem al-Rafeï, a souligné que l'"islam condamne les actes injustes contre qui que ce soit". "Certains groupes veulent instiller la sédition entre musulmans et chrétiens à Tripoli", a-t-il ajouté. "Ceci ce peut pas arriver, ces actes visant à semer la division doivent être stoppés", a déclaré, pour sa part, le mufti de Tripoli et du Liban-Nord, Cheikh Malek al-Chaar, soulignant qu'incendier une bibliothèque est "contraire à l'islam".
Le Premier ministre sortant Nagib Mikati a, lui aussi, condamné l'incendie, déclarant : "Nous, Libanais, sommes contre tout extrémisme, chrétien, sunnite ou chiite".
"Ceux qui sont responsables de cet acte travaillent au profit des ennemis du Liban, a affirmé pour sa part l'ancien Premier ministre Fouad SIniora. Ils cherchent à détruire l'image de Tripoli".
Le député Robert Fadel a, de son côté, souligné que Tripoli restera toujours une ville de coexistence religieuse.
Lire aussi
Les seigneurs des anneaux, l'éditorial de Issa Goraieb
Haret Hreik : l'hypothèse d'un attentat salafiste sérieusement retenue, malgré des zones d'ombre
Envoyé de mon Ipad
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.