Irak : l'évêque de Mossoul appelle à un accueil groupé des déplacés chrétiens
Au lieu d'accorder des visas au compte-gouttes, Mgr Petrus Mouché appelle l'Occident à accueillir plusieurs centaines de familles chrétiennes ensemble, afin d'éviter la dissolution de sa communauté.
«Si on continue à se disperser, notre communauté va disparaître», avertit Monseigneur Petrus Mouché, archevêque syriaque catholique de Mossoul. Depuis plusieurs mois, des familles entières de déplacés chrétiens partent quotidiennement d'Erbil vers l'Europe ou les Etats-Unis. Après un an d'exil, leur situation est extrêmement précaire. La perspective de retrouver leurs maisons s'éloigne de jour en jour et ils s'apprêtent à passer leur deuxième hiver dans des camps. «Les familles sont lassées, elles sont de plus en plus nombreuses à partir et c'est une perte inestimable pour nous», explique Mgr Petrus Mouché qui fait les comptes: «Mon diocèse compte aujourd'hui 12.000 familles, soit environ 50.000 personnes. C'est quasiment un tiers de tous les syriaques catholiques. Donc si on continue à se disperser, c'est notre peuple qui va disparaître.»
Pour stopper l'hémorragie, Mgr Mouché défend aujourd'hui une solution radicale: «Il ne faut plus que vos gouvernements accueillent nos familles au compte-goutte. Quitte à partir, il faut leur permettre de le faire ensemble, à 400 ou 500 familles en même temps. Regroupés, ils seront plus forts, leurs enfants seront scolarisés ensemble, ils pourront continuer à parler leur langue et vivre leur foi.» Cette solution sonne comme un revirement, alors que l'évêque de Mossoul et de Qaraqosh plaidait jusqu'ici uniquement pour le maintien de ses fidèles en Irak, en y créant les conditions favorables. Mais l'objectif reste le même: permettre, à terme, le retour des familles dans leurs villages, actuellement sous le contrôle de Daech. «Une fois leurs villages libérés, ils voudront rentrer chez eux», assure Mgr Mouché. L'évêque défend aujourd'hui son idée dans tous ses déplacements à l'étranger. «Vous avez des villages vides en France. Accueillez-nous le temps que les nôtres soient libérés», a-t-il fait valoir cette semaine au quai d'Orsay. Auparavant, il s'est exprimé en ce sens devant le parlement allemand, au Canada... En République tchèque, le premier ministre se serait engagé à prendre 400 personnes, selon Mgr mouché qui tempère: «Rien n'est acté pour l'instant.»
En 1989, la France accueillait 330 réfugiés kurdes en Auvergne
En France, le président de l'Oeuvre d'Orient se montre réservé sur l'opportunité d'une telle initiative. Mais Monseigneur Pascal Gollnish reconnaît qu'il est «essentiel que les réfugiés syriaques accueillis à l'étranger restent en lien avec leurs coreligionnaires». La prise de Palmyre en Syrie, suivie par la chute de Ramadi a instillé un vrai «sentiment de désespérance chez les déplacés», rappelle Mgr Gollnish. «Mais il est toujours envisageable de reprendre la plaine de Ninive et sécuriser Qaraqosh, ainsi que tous les villages chrétiens aux alentours. C'est la seule et unique solution, si on veut éviter que les derniers chrétiens fuient l'Irak.»
L'idée d'un accueil massif de réfugiés n'est pas neuve en France. En décembre 2007, Bernard Kouchner alors ministre des Affaires étrangères propose un plan radical pour les chaldéens d'Irak. Le ministre de Nicolas Sarkozy envisage très sérieusement un «plan d'accueil des ressortissants irakiens de confession chrétienne». Il s'agit alors de faciliter l'installation de «plusieurs centaines» d'entre eux en France. L'idée sera finalement abandonnée. Elle se heurte à la politique de maîtrise des flux migratoires, mais aussi à l'opposition d'associations et ONG catholiques qui alertent sur les effets pervers d'une telle initiative. Quelques années plus tôt, la France ouvrait ses portes à plusieurs centaines de réfugiés kurdes.
En 1989, au plus fort de la répression baasiste contre les kurdes, Danielle Mitterrand alerte la communauté internationale sur leur sort et se rend auprès d'eux. Son initiative permettra l'accueil de 600 à 700 Kurdes sur le sol français. Parmi eux, plus de 330 sont installés sur la base militaire de Bourg-Lastic, en Auvergne. Sur place, ils effectuent leurs démarches pour obtenir le statut de réfugié, apprennent le français... Puis ils seront répartis dans plusieurs villages aux alentours où ils vivent toujours aujourd'hui.
La rédaction vous conseille :
Jtk
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.