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10/1/2015-Le "vivre ensemble" à la française est-il en danger ?
Les attaques sanglantes menées par trois jihadistes à Paris, qui ont fait 17 morts, mettent à l'épreuve le "vivre ensemble" à la française, fondé sur un idéal d´intégration de toutes les composantes de la société, quelles que soient leurs origines, et sous la protection de la laïcité.
Les trois Français, issus de familles immigrées et convertis à l'islamisme radical, s'en sont pris aux "piliers de la République" que sont la liberté, l'égalité et la fraternité, a dénoncé samedi Moshe Lewin, porte-parole du grand rabbin de France Haïm Korsia, traduisant un sentiment largement partagé par une population traumatisée.
Les attaques ont pris pour cibles le journal satirique Charlie Hebdo, symbole de la liberté d'expression, des policiers et un supermarché casher.
"Ce ne sont plus des assassins téléguidés de l'étranger qui nous frappent au cœur", a relevé samedi le directeur de la rédaction du quotidien de gauche Libération Laurent Joffrin. "Les tueurs sont des gamins de France, ils ont été entraînés, endoctrinés, robotisés par des militants liés aux théâtre d'opération irakien ou syrien. Mais ils sont nés ici, ils ont grandi ici, ils ont été fanatisés ici".
(Analyse : Quand le terrorisme change de méthode et de visage)
La communauté juive, la plus importante d'Europe, est souvent la première visée par les violences, comme le 19 mars 2012 à Toulouse où Mohamed Merah, un enfant de la ville, avait tué trois enfants et un enseignant d'une école juive. Un sentiment d'insécurité se répand parmi ses 500 000 à 600 000 membres, poussant 7 000 d'entre eux à émigrer vers Israël en 2014, un record.
Chérif et Saïd Kouachi, qui ont assassiné mercredi douze personnes dans l'attaque du siège de Charlie Hebdo et dans leur fuite, sont nés en France de parents d'origine algérienne. Les parents d'Amedy Coulibaly, qui a tué une policière jeudi et quatre clients d'un supermarché casher vendredi, sont d'origine malienne. Mais lui aussi a été élevé en France. Les trois jihadistes ont été abattus par la police.
(Lire aussi : Anciens et nouveaux suspects jihadistes : les services français submergés)
Des centaines de milliers de personnes sont déjà descendues spontanément dans la rue pour exprimer leur indignation, et plus encore sont attendues à une "marche républicaine" organisée dimanche à Paris et dans les villes de province. Cette manifestation "doit montrer la puissance et la dignité du peuple français qui va crier son amour de la liberté et de la tolérance", a déclaré samedi le Premier ministre socialiste Manuel Valls, reprenant l'appel à "l'unité nationale" lancé par le président François Hollande.
Mais "l'impression d'unanimité" donnée par ces réactions à chaud peut être trompeuse. Des ressentiments à l'égard des musulmans, des juifs, de la classe politique ou de Charlie Hebdo, accusé de s'en être pris au sacré, se sont manifestés sur les réseaux sociaux. Et cette "unité nationale" circonstancielle "ne préjuge en rien" de la suite, estime Philippe Braud, spécialiste en sociologie politique. Ce professeur émérite à l'Institut de sciences politiques souligne "le risque de choc en retour" pour les cinq millions de musulmans en France qui risquent de pâtir de la dérive sanglante des adeptes du jihadisme. Plusieurs centaines sont partis en Syrie ou en Irak où ils sont "formés au terrorisme", selon les autorités.
(Lire aussi : "Le vrai musulman, c'est celui qui sous l'uniforme cherchait à protéger ses concitoyens")
"Destruction programmée du rêve français"
Depuis mercredi, près d'une vingtaines d'actes criminels ont visé des lieux de culte musulmans ou des établissements fréquentés par des musulmans dans toute la France.
Un sondage Ifop publié samedi révèle que l'islam "représente une menace" pour 29% des Français, même si 66% rejettent l'amalgame entre "les musulmans qui vivent paisiblement en France" et les islamistes radicaux.
"Nos compatriotes musulmans ont peur aujourd'hui", a reconnu vendredi Manuel Valls. "L'islam est une religion de tolérance", a-t-il martelé samedi, en soulignant que la France "n'est pas en guerre contre une religion" mais "contre le terrorisme, le jihadisme, l'islamisme radical".
La présidente du Front national (extrême droite) Marine Le Pen a affirmé vendredi être la seule à parler de guerre contre le "fondamentalisme islamique".
(Lire aussi : "Moi, je suis désolé, je ne suis pas Charlie", lance Jean-Marie Le Pen)
Les interrogations sur l'efficacité de l'intégration à la française sont également relancées.
L'intégration à la française, qui s'oppose au communautarisme, est une réussite pour la majorité des immigrés mais elle a aussi "ses failles", souligne Philippe Braud. Le "défi" qu'elle a toujours représenté est aujourd'hui compliqué par la mondialisation : avec la télévision et Internet, "les liens des diasporas avec les cultures d'origine sont plus faciles à maintenir et l'intégration peut en être retardée".
Cinq semaines avant l'attaque sanglante du supermarché casher, le grand rabbin de France avait déploré "la persistance de préjugés abjects" concernant les juifs en France et souligné que "racisme et antisémitisme sont synonymes de la destruction programmée du rêve français".
Vendredi, François Hollande a appelé les Français à être "implacables à l'égard du racisme et de l'antisémitisme".
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Envoyé de mon Ipad
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