Raï : Au nom de la liberté d'expression, on cherche à affaiblir l'Église maronite - Fady NOUN
Tout en s'engageant au maintien d'une transparence totale de la vie des institutions de l'Église maronite, et en se déclarant totalement favorable à ce que ses diverses institutions et commissions aient des comptes à rendre, le patriarche maronite, le cardinal Béchara Raï, a défendu cette Église contre « certaines campagnes médiatiques contre les institutions de l'Église et la religion chrétienne ». « Des attaques infondées lancées dans l'intention expresse de nuire », a-t-il précisé.
Brandissant le code canon des Églises orientales, ainsi que les divers chartes, statuts et règlements gouvernant les institutions de l'Église maronite (tribunaux religieux, biens wakf, fondations à vocation économique et sociale, etc.), le patriarche a affirmé que si chacune d'entre elles répond de ses actions devant une instance d'Église et au patriarche, « personne d'autre n'a le droit de s'ériger en censeur de leur action » ou de se prononcer sur leur activité « sans s'être référé d'abord à l'instance légitime habilitée à le faire ». « Nous avons des règlements pour toutes nos institutions. Il n'y a pas un one-man-show à Bkerké. Je rends compte moi-même de mon action au synode des évêques », a précisé le chef de l'Église maronite.
Le patriarche a tenu ces propos lors d'une rencontre avec la presse hier, accusant certains programmes de télévision, des journalistes de la presse écrite et des blogs de « s'ériger en juges » des institutions de l'Église et « d'attenter à la dignité humaine, de semer le soupçon, de braver des interdits » en usant « du mensonge, de la diffamation et de la calomnie, dans l'intention explicite de nuire à l'Église et de la discréditer, soit pour des raisons personnelles suspectes comme celle de cacher leurs propres erreurs, soit par appât du gain, soit pour des raisons politiques, le tout se faisant au nom de la liberté d'expression ».
Le patriarche a dénoncé la vénalité de certains programmes dont les animateurs attaquent des institutions d'Église « pour attirer les annonceurs publicitaires et se construire une image sociale et politique au détriment des valeurs spirituelles, morales et culturelles ». Il a été jusqu'à comparer ces programmes aux jeux de cirque des trois premiers siècles de l'histoire du christianisme, quand les chrétiens étaient mis à mort pour amuser la foule sous l'Empire romain.
« Aujourd'hui, a-t-il dit, c'est le peuple de Dieu, le corps mystique du Christ, la dignité humaine, la sainteté de l'Église, le prestige de l'autorité spirituelle et la valeur des institutions d'Église qui le sont. »
« Il ne manque plus que le billet d'entrée », a-t-il réagi, sortant de son texte.
(Pour mémoire : Raï citant François : Face à la mondialisation de l'indifférence, la mondialisation de la solidarité)
Attaques concertées
Répondant aux questions des journalistes présents, le patriarche a répété qu'il tient pour certain que « ces attaques sont concertées et monnayées, qu'elles ont pour but d'affaiblir l'Église maronite et le christianisme, et qu'elles se poursuivront ».
Au sujet de deux dossiers soulevés par les médias ces derniers temps, les précisions suivantes ont été apportées.
Sur la résidence en construction de Walid Ghayad, un avocat responsable à l'information du patriarcat, dont un journaliste avait fait un article à sensation, l'économe de Bkerké, Mgr Joseph Bouéri, a précisé ce qui suit : au même titre que plus de 1 420 autres cas de location de biens-fonds wakf, dont environ 600 ont été utilisés pour être construits, M. Ghayad a loué un terrain situé sur le cadastre de Ghosta, et il y construit à ses propres frais une résidence pour sa famille ainsi que pour ses parents, déplacés du Chouf en 1983. Pour un homme engagé si totalement au service du patriarche, il n'y a là rien de plus normal, et des dispositions similaires ont déjà été prises pour des diacres engagés au service des prédécesseurs du patriarche Raï, a-t-il affirmé en substance.
C'est par malveillance que ce dossier a été soulevé, souligne-t-on dans les milieux de Bkerké, et le parfum de scandale qu'on a cherché à lui donner a fait un immense tort à la famille de M. Ghayad, au point que sa propre santé et celle de ses parents s'en sont ressenties.
Sur un programme télévisé à sensation qui a soulevé le dossier des tribunaux religieux maronites, c'est le patriarche lui-même qui a insisté sur la nécessité de distinguer entre les frais de tribunal, qui sont tarifés, et les frais d'avocat qui sont libres. Il a précisé que l'avocat peut prétendre que le juge doit être « incité » à juger pour soutirer plus d'argent à son client. Le chef de l'Église maronite a rappelé toutefois qu'il existe un fonds d'assistance judiciaire pour les demandeurs sans ressources et que près de 800 000 dollars d'aides ont été accordées en 2014 à ce titre. Et le patriarche Raï de demander avec insistance que tout cas douteux lui soit rapporté afin que les juges malhonnêtes soient radiés. Le patriarche a reconnu toutefois que les tribunaux sont engorgés (environ 450 dossiers par an), ce qui peut provoquer du retard.
(Pour mémoire : Raï aux tribunaux maronites : Ne laissez pas traîner les procès)
La présidence
En réponse aux journalistes qui ont soulevé le dossier de la présidentielle, le patriarche a précisé que « Bkerké n'a pas de candidats et n'oppose de veto à aucun candidat ». Et d'ajouter qu'il n'est pas hostile à un amendement de la Constitution, « en cas de grande nécessité », pour permettre l'élection d'une personnalité qui ne serait pas éligible autrement.
Le patriarche s'est par ailleurs défendu de « mettre à pied d'égalité » les députés qui assistent aux séances de vote et ceux qui s'en abstiennent, affirmant que s'il en donne l'impression, c'est parce qu'aucune initiative sérieuse n'est lancée pour dépasser ce blocage. Et de se demander pourquoi les députés du 14 Mars ne décrètent pas un sit-in à l'intérieur de l'hémicycle pour forcer la décision.
Le patriarche a par ailleurs rappelé qu'il dispose d'un sondage d'opinion sur les préférences présidentielles des Libanais.
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Réagissant à une réflexion prêtée au président syrien selon laquelle un président libanais ne peut être élu sans l'accord de la Syrie, le patriarche a répondu en situant un tel avis, « qu'il soit ou non du président syrien, dans le contexte de la rivalité qui se manifeste entre l'Arabie saoudite et l'Iran, et entre sunnites et chiites ». « Qu'on le veuille ou non, le Liban est prisonnier de cette équation », a-t-il ajouté.
« Nous sommes toujours en contact avec les ténors maronites loin de toute publicité, mais l'échéance présidentielle concerne tous les Libanais, pas seulement les chrétiens, a dit en substance le patriarche. Nous engageons les ambassadeurs accrédités au Liban à agir pour que l'échéance présidentielle soit dissociée de son contexte régional. »
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