Geagea rappelle à Raï que « le Vatican ne soutient pas le régime de Damas »
OLJ- 13/03/2012
« Le patriarche Raï, par ses propos (sur la Syrie, ndlr), met tous les chrétiens de la région en danger, en les plaçant à contre-courant de la majorité », a déclaré Samir Geagea. Photo AFP
LIBAN « Chaque jour de retard dans le dénouement de la crise syrienne accroît le risque de renforcement des fondamentalistes et affaiblit les modérés », estime le leader des FL.
Si la question syrienne a marqué l'interview accordée par le chef du parti des Forces libanaises Samir Geagea à la MTV hier soir, c'est moins par le soutien réitéré à l'opposition syrienne, « dont le 14 Mars est loin de se cacher », que par les reproches clairement exprimés par M. Geagea au patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, en raison de son appui à peine voilé au régime Assad.
Ce sont ainsi des critiques fermes, mais néanmoins courtoises, que M. Geagea a formulées à l'égard des récentes déclarations du patriarche à l'agence Reuters, dans lesquelles il estimait que le régime syrien est « le régime le plus proche d'une démocratie dans la région ».
Alors que le leader des FL avait déjà critiqué ces propos, dans une allusion à peine voilée au patriarche maronite, sa diatribe d'hier a presque consacré un quasi-divorce avec le siège patriarcal, d'autant que les déclarations du patriarche, a déploré M. Geagea, ont placé Bkerké « dans une position injustifiable, à pied d'égalité avec Wi'am Wahhab, Fayez Chokr, la Russie et la Chine ! » « Ces déclarations ont suscité en moi une révolution, moi, le paysan maronite », a commencé par affirmer M. Geagea.
Estimant que l'ampleur des événements en Syrie « ne saurait être décrite à demi-mot », il a confié que « je ne me reconnais pas dans ces déclarations et je ne peux en être fier, indépendamment de toutes les explications qui peuvent les sous-tendre ». Pour M. Geagea en effet, la lecture des événements exprimée par le patriarche « contredit les prises de position de 90 % des personnes et des puissances dans le monde, y compris le Vatican ».
Soucieux de démentir le fait que le Vatican se trouve derrière les prises de position du patriarche en faveur du régime de Damas, le leader des FL a apporté la preuve, documents à l'appui, que le Vatican ne défend pas le président Bachar el-Assad. Ainsi, le message du Vatican adressé à l'ambassadeur de Syrie à l'occasion de la prise en charge de ses fonctions, début juin 2011, portait une demande à l'attention du président Assad, le priant de « prendre en considération les demandes de la société civile ».
D'autre part, dans son sermon du dimanche 5 février, le pape Benoît XVI a incité « le gouvernement syrien à reconnaître les revendications légitimes de son peuple », a relevé M. Geagea, avant de s'attarder sur « l'accusation formulée le 22 février – il y a tout juste quelques jours – par le nonce apostolique à Damas contre le gouvernement syrien, pour avoir tiré sur les manifestants ». M. Geagea a également invoqué l'Exhortation apostolique qui condamne toute forme de violence et consacre l'ouverture de l'Église catholique au dialogue.
Mais M. Geagea a poussé son raisonnement encore plus loin, en amorçant une réflexion sur l'intérêt réel des chrétiens. Rappelant que les mouvances régionales sont « avant tout des mouvements populaires, sur lesquels viennent se greffer d'autres éléments », M. Geagea a minimisé l'épouvantail de l'islamisme dans la région. « Parler de printemps musulman dans une région à majorité musulmane est normal, mais parler de printemps intégriste est un pléonasme. »
Le leader des FL a estimé dans ce cadre que « chaque jour de retard dans le dénouement de la crise syrienne accroît le risque de renforcement des fondamentalistes et affaiblit les modérés ». Quoi qu'il en soit, « le patriarche Raï, par ses propos, met tous les chrétiens de la région en danger, en les plaçant à contre-courant de la majorité ».
Rappelant que « de tous les régimes arabes, aucun n'a opprimé les chrétiens du Liban autant que le régime syrien », M. Geagea s'est demandé, en parlant du patriarche Raï : « N'est-il pas conscient que 55 % des chrétiens au Liban sont contre le régime syrien? »
Évoquant le cas des disparus dans les geôles syriennes et « les milliers de tués provoqués par le régime syrien », M. Geagea a rappelé que ce n'est pas au regard de la situation des chrétiens dans les pays arabes, où ils ont émigré, que l'évaluation du régime syrien doit s'effectuer, mais par rapport au pays où les chrétiens ont toujours existé. « C'est aux chrétiens du Liban que la situation des chrétiens de Syrie doit être comparée », a affirmé M. Geagea, relevant que « c'est le minimum qui est fourni aux chrétiens syriens ».
Et de souligner sur ce plan qu'à la fin des années 60, les chrétiens syriens représentaient 30 pour cent de la population, alors qu'aujourd'hui ils ne représentent que 10 pour cent des habitants. « Sans un climat de liberté, les chrétiens émigrent », a déclaré à cet égard le leader des FL.
S'interrogeant par ailleurs sur les raisons des déclarations du patriarche, M. Geagea a fait remarquer que « le président de la République Michel Sleiman ne s'est jamais exprimé sur les événements en Syrie, et a opté pour une position raisonnable et acceptable ». « De même, a-t-il ajouté, le Premier ministre Nagib Mikati, pourtant proche du régime syrien, est loin d'avoir tenu des propos sembables aux déclarations du patriarche. »
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