Par Georges Malbrunot
Mis à jour le 30/03/2012 à 19:14 | publié le 30/03/2012
Le Conseil national syrien a accouché, à Istanbul, d'une «charte» politique préparant l'après-el-Assad.
Et soudain, le miracle se produisit. Miné par les divisions, il y a deux semaines encore, le Conseil national syrien (CNS) vient miraculeusement d'accoucher d'une «charte », sorte de projet politique dessinant la Syrie de l'après-el-Assad. Cette avancée a eu lieu à Istanbul juste avant la conférence des «Amis de la Syrie ». Elle doit beaucoup à l'activisme en coulisses des diplomates français et américains. Jusqu'à maintenant, les parrains occidentaux du CNS lui reprochaient une double incapacité: à unifier l'opposition, et à rassurer les minorités religieuses ou ethniques. «Tout le monde voulant être chef, nous avons finalement renoncé à organiser le CNS, avoue un diplomate français, mais nous avons réussi à les faire accoucher d'un projet commun.»
En échange d'une reconnaissance internationale, qui ne devrait pas encore intervenir à Istanbul, Français et Américains ont exigé que cette charte mentionne le caractère «civil » (c'est-à-dire laïque) de la future Constitution et qu'elle souligne bien l'égalité entre hommes et femmes, ainsi que le respect des minorités (chrétienne, alaouite ou kurde). Problème: il fallait que les islamistes, très influents au sein du CNS, acceptent d'avaler la pilule. «Ils n'avaient pas le choix », relève un opposant. «Après la première conférence des Amis de la Syrie à Tunis en février, les Occidentaux ont été mécontents de voir les dissidences continuer au sein du CNS et que leurs appels n'aient pas été entendus. Ils se sont faits plus menaçants.»
Il y a deux semaines, Alain Juppé dénonçait publiquement cette opposition qui se déchire, et mardi dernier, Hillary Clinton, la secrétaire d'État américaine, déclarait vouloir «les inciter fortement » à présenter un visage unifié à Istanbul. Résultat: à l'issue de longues palabres, une déclaration a été votée mardi par 400 opposants, donnant la part belle à la laïcité, aux droits de l'homme et au respect des minorités, notion très importante dans un pays dont les divisions en multiples obédiences font redouter une guerre civile. Dans un esprit de «réconciliation nationale », la justice dans la Syrie de demain ne sera pas fondée «sur la vengeance ou la vendetta », précise même le texte. Mission accomplie, dans la forme en tout cas. Pour ne pas donner l'impression que les islamistes s'étaient fait tordre le bras, la branche syrienne des Frères musulmans avait pris les devants en publiant peu avant un «engagement national » dans lequel elle promet d'élaborer une Constitution civile.
Les Kurdes claquent la porte
Si les islamistes ont accepté ce compromis, la Turquie, elle, s'est farouchement opposée à toute référence à la question kurde dans la charte de l'opposition syrienne. Une ligne rouge pour Ankara, qui redoute le précédent vis-à-vis de sa propre minorité kurde. D'où la colère des représentants kurdes syriens, qui ont claqué la porte d'Istanbul, atténuant la portée de cette avancée. «Il s'agit d'un simple toilettage », déplore l'opposant. Pour que la marque islamiste soit diluée, trois cents autres opposants issus de la diaspora avaient pourtant été invités à ratifier le texte d'Istanbul.
D'autre part, aucun intégriste ne devait être présent à la tribune de la conférence de presse, qui annonça la charte. Bref, à quelques jours de la conférence d'Istanbul, cette réunion des opposants devait montrer un visage plus conforme aux attentes de leurs alliés. Mais dans la réalité, rien ne dit que l'influence islamiste - que les Occidentaux ont tenu à minimiser publiquement jusqu'à maintenant - va se réduire. «Ceux qui dominent le CNS restent les mêmes barbus sans barbe, des islamistes ou des proches des Frères musulmans », constate Michel Kilo, une figure de l'opposition, qui a refusé d'aller à Istanbul. Rien ne dit qu'ils aient définitivement renoncé à leur dessein, une fois parvenus au pouvoir à Damas.
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