18.02.2016 par Jacques Berset - L’Eglise catholique syriaque est menacée de disparition en Irak, dénonce Mgr Yohanna Petros Mouché, archevêque syriaque de Mossoul.
De passage à Jérusalem, il rappelle que la plaine de Ninive, berceau de la civilisation assyrienne, s’est d’un coup vidée de ses derniers chrétiens le 6 août 2014, lors de la prise des villages chrétiens par les terroristes de Daech, le soi-disant “Etat islamique” (EI).
Deux mois auparavant, suite à la fuite de l’armée irakienne, Daech s’était emparée de Mossoul, la deuxième ville de l’Irak, située à environ 350 km au nord de Bagdad. Les djihadistes ont obligé les chrétiens à se convertir à l’islam ou à fuir en abandonnant tous leurs biens, laissant derrière eux un héritage millénaire.
Au début, Daech a montré de la sympathie envers les chrétiens
“Effrayés par la présence de Daech, la plupart de nos chrétiens ainsi qu’un grand nombre de musulmans ont quitté la ville de Mossoul et se sont dirigés vers le Kurdistan et les villages de la plaine de Ninive”, témoigne-t-il sur le site http://terrasanta.net, de la Custodie de Terre Sainte.
“Au début les forces de l’EI ont montré de la sympathie envers les chrétiens. C’est seulement après quelques jours qu’ils ont déclaré les conditions qui permettaient aux chrétiens de vivre sous leur domination: devenir musulman – ainsi nous aurions tous les droits -, payer une taxe spéciale (“jizya”) dont doivent s’acquitter les non-musulmans, autrement dit devenir des citoyens de deuxième classe, ou quitter nos lieux et toutes nos propriétés, sans quoi nous mettions nos vies en péril”.
Fuite vers le Kurdistan
“La situation n’était pas simple à juger, surtout qu’ici nos chrétiens viennent chercher la solution chez leur évêque. Comme le gouvernement central était absent, je suis entré en contact avec les responsables kurdes qui se trouvaient chez nous. Lors de la première attaque de l’EI contre Qaraqosh, le plus grand village chrétien de la plaine de Ninive, dans le but de chasser les Peshmergas (combattants kurdes, ndlr), l’armée kurde se trouvait sur place pour défendre notre zone. J’ai exercé le rôle de médiateur entre les responsables de l’EI et ceux de Peshmergas, mais sans résultat”.
La bataille a duré trois jours, la grande majorité des habitants a alors quitté le village à l’exception d’une centaine d’entre eux, du clergé syriaque et de l’évêque. “L’EI n’a pas pu entrer chez nous. C’est lors de la deuxième attaque qui a lieu le 6 août que l’EI a pu entrer et a pris le pouvoir sur toutes nos villes et villages après notre départ et la fuite de l’armée. Ainsi nous avons tout laissé et nous nous sommes dirigés vers le Kurdistan pour sauver nos vies et sauvegarder notre foi et notre intégrité”.
Eradication du patrimoine culturel chrétien
Sur place, les terroristes islamiques poursuivent leur politique d’éradication du patrimoine culturel chrétien et des civilisations qui ont précédé l’arrivée du christianisme en Mésopotamie.
Le 20 janvier 2016, Daech a détruit le monastère Saint-Élie, le plus ancien monastère chrétien du pays, construit par des moines assyriens au VIème siècle. D’autres sites chrétiens ainsi que des ruines préislamiques ont été également détruits par le groupe terroriste comme à Hatra, Nimrud et Ninive.
Le futur, selon l’évêque syriaque, “est obscur et aucun signe positif ne se dessine sur le terrain en vue d’une prochaine libération de Mossoul”. Sa communauté ayant été dispersée par l’arrivée des islamistes de Daech, Mgr Petros Mouché redoute sa disparition. “Le nombre de fidèles de notre Eglise n’est pas élevé. Il ne dépasse pas les 170’000 personnes. Le diocèse de Mossoul à lui seul en rassemblait 50’000, ce qui représentait près du tiers de l’Eglise”.
A l’arrivée de Daech, quelques minutes pour fuir
Le 10 juin 2014, de nombreuses familles chrétiennes n’ont eu que quelques minutes pour fuir Mossoul tombée aux mains des terroristes. “Après l’arrivée de Daech, tous les chrétiens ont été expulsés de Mossoul, mais aussi des villages alentours. Lorsqu’ils se sont dispersés, ils étaient au début disséminés sur soixante lieux différents. Je faisais de mon mieux pour être en contact constant avec eux, aller leur rendre visite et quand c’était possible célébrer la messe. Si le diocèse est dispersé, cela veut dire à terme la disparition de l’Eglise syriaque catholique…”, a-t-il confié à Saher Kawas, du Patriarcat latin de Jérusalem. Il était invité dans le cadre de la Journée Mondiale des Malades qui s’est déroulée la semaine dernière en Terre Sainte.
Ankawa, dans la banlieue d’Erbil, au Kurdistan irakien, est devenu un des derniers bastions des réfugiés chrétiens d’Irak, et ils y vivent dans des conditions précaires. “Tous les chrétiens qui vivaient dans la région ou presque s’y sont réfugiés, d’autres se sont dirigés vers différentes villes de l’Irak, comme Bagdad ou Basra. Certaines familles, depuis le Kurdistan, ont choisi de partir vers les pays voisins. De mon diocèse, uniquement, nous avons 1’000 familles à Amman, 1’500 au Liban, 700 en Turquie et une centaine en Europe”, affirme l’archevêque syriaque de Mossoul.
La situation des chrétiens “s’enlise dans la durée”
Dans ses visites à l’étranger, Mgr Petros Mouché appelle les différents gouvernements à accueillir ensemble plusieurs centaines de familles chrétiennes, et non au compte-gouttes, afin d’éviter la dissolution de sa communauté. A l’occasion de sa rencontre avec le pape François, le 30 septembre dernier, il lui a remis une lettre pour le remercier de ses prières et de tous les dons qu’il a faits pour les chrétiens chassés de leurs terres, “en le priant d’exercer son influence sur les dirigeants du monde pour qu’ils se dépêchent de libérer nos villes et villages, et si possible de nous trouver des lieux provisoires dans les pays comme la France, l’Espagne ou autres, pour pouvoir vivre selon nos coutumes et exercer notre liturgie”.
Il relève que “notre situation et notre émigration semblent s’enliser dans la durée, si nous sommes accueillis de manière groupée, notre retour chez nous sera plus facile dans le cas où nos territoires seront effectivement libérés et nos droits assurés”.
Malgré une situation sur place plutôt sombre – “l’avenir est obscur, les gens sont lassés, des familles quittent le pays et que beaucoup d’autres y pensent – l’évêque syriaque en exil affirme que “l’espoir est toujours en Dieu et dans les personnes de bonne conscience. Et je sais que les personnes de bonne volonté ne manqueront pas dans le monde”.
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