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9/2/2016
Sous les bombes, l'archevêque d'Alep bâtit encore
Infatigable, le religieux se bat, depuis le début de la guerre, pour éviter l'exil des chrétiens menacés par Daech et pérenniser une église bimillénaire.
« Si vous nous aimez, aidez-nous à rester chez nous, en Syrie, terre des premiers chrétiens. » Mercredi soir, dans la cathédrale de Rennes, Jean-Clément Jeanbart, 72 ans, archevêque d'Alep depuis vingt ans, lance un vibrant appel à la solidarité de la France qu'il « chérit ».
Descendant d'une famille de commerçants français établis à Alep au XVIIIe siècle, il a été élevé par les pères blancs. Le religieux arabe, syrien au cœur « resté français », a longtemps cru à cette France porteuse des valeurs « évangéliques » de liberté, d'égalité et de fraternité.
Mais cette France chérie et plus largement l'Occident « insouciant » déçoivent Mgr Jeanbart. À ses yeux, le régime de Bachar al Assad, malgré les crimes qui lui sont reprochés, reste « le moindre mal ». Pour lui, l'Europe n'a pas pris conscience suffisamment du drame que représente « cette invasion islamiste barbare, sauvage, qui déporte des populations en masse, qui détruit une civilisation chrétienne deux fois millénaire ». Une invasion « pire que les exactions, mongole puis ottomane, du passé ».
C'est pourquoi ce soir-là, la voix de Mgr Jeanbart résonne comme le tocsin dans la nuit rennaise. Comment ne pas alors être saisi par cette voix tragique d'Orient ? Comment ne pas être bouleversé par ce témoin qui est prêt à mourir pour « pérenniser le message du Christ, sur cette terre irriguée par le sang de millions de martyrs » ?
Jean-Clément Jeanbart n'est pourtant pas un adepte du sacrifice. Juste avant la guerre, il y a cinq ans, il voulait « tout en restant l'évêque que j'étais depuis quinze ans, prendre un peu de repos. Mais quand j'ai vu toute la misère provoquée par la guerre, je me suis dit : tu n'as pas le droit, repars au combat. »
La guerre, qu'il avait déjà connue au Liban, ainsi, le rattrapait. « J'ai vécu dix-huit ans à Beyrouth, après mon doctorat de théologie obtenu à Rome. J'ai dirigé le grand séminaire, sous les bombes. Quand la paix est revenue, j'étais heureux d'en profiter. Mais j'ai été nommé archevêque d'Alep. »
En 1995, Mgr Jeanbart s'est donc retrouvé à la tête d'une des treize églises chrétiennes que compte la seconde ville de Syrie (1,5 millions d'habitants). Une ville agréable à vivre, naguère carrefour des échanges entre l'Occident et l'Orient, dont témoignait un riche et cosmopolite patrimoine.
Aujourd'hui partagée entre les forces gouvernementales et « les rebelles », Alep est une cité martyrisée par les obus, et que l'on fuit. Une grande partie du souk a été démolie. Six des douze églises de rite grec melkite catholique (reconnues par Rome) de Mgr Jeanbart ont été dévastées, tout comme la cathédrale. On manque d'eau et d'électricité.
« La guerre ne nous détruira pas »
Les chrétiens, estimés avant la guerre à 150 000, sont tentés par l'exil. La moitié serait partie selon des sources. Mgr Jeanbart veut retenir les candidats au départ. Pour sauver la présence chrétienne.
En avril dernier, il a lancé un mouvement : « Bâtir pour rester ». Lors d'une tournée de conférences, l'archevêque, qui parle cinq langues, a décroché des fonds afin de créer des écoles (bâtiment, santé) pour les jeunes. « Nous avons aussi aménagé une clinique de jour, réparé des ateliers, prêté de l'argent sans intérêt à long terme pour trois projets portés par des jeunes. » Mgr Jeanbart est formel : « La guerre ne nous détruira pas. »
L'archevêque d'Alep peut compter sur le soutien de plusieurs associations dont Ouest-France Solidarité, qui lui a remis, mercredi dernier, un chèque de 15 600 €.
Lui-même reste debout au milieu des tourments. Malgré les risques. Mais il compte sur « le Seigneur et la Providence » pour l'épargner. « J'ai déjà été victime d'une attaque à main armée par une bande de salafistes qui ont tiré une vingtaine de balles sur ma voiture. Je n'ai dû mon salut qu'à une patrouille syrienne qui passait par là. »
Son archevêché démoli par les obus, Mgr Jeanbart s'est réfugié dans une chambre d'un couvent franciscain. « Cela m'a permis de renouer avec l'humilité de la vie religieuse », sourit-il, philosophe. À son retour d'Europe, il devait retrouver une maison et les deux prêtres qui l'assistent. Et une vie, qui, chaque jour, démarre vers 6 h du matin. Après sa messe de 8 h, Mgr Jeanbart enchaîne une série d'activités pour soulager la vie quotidienne des fidèles. Quitte à intervenir auprès des officiels.
Pas de tout repos. « Je travaille comme je respire », sourit l'archevêque. Infatigable.
La Turquie apporte de l'aide aux réfugiés
Des camions et des ambulances venant de Turquie sont entrés hier en Syrie pour apporter de la nourriture et de l'aide aux populations qui fuient Alep et ses combats.
Ces derniers jours, les forces syriennes appuyées par l'aviation russe ont intensifié leurs frappes contre les rebelles qui tiennent plusieurs quartiers de la ville où vivent toujours environ 350 000 personnes.
L'intervention russe profite au camp du président Bachar al Assad. « La Turquie est menacée », s'est inquiété hier le président turc Recep Tayyip Erdogan. Le pays accueille déjà plus de 2,5 millions de réfugiés syriens.
JTK
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