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22/4/2013-L'Église maronite au défi de la mondialisation
22/4/2013-L'Église maronite au défi de la mondialisation
Ils se sont réunis trois jours durant à San Miguel de Tucuman, une magnifique province de ce pays du bout du monde dont vient le pape François, pour... se connaître, prendre la mesure des nouveaux venus, faire le point, mettre en commun leurs rêves et leurs projets, faire la lumière sur les obstacles qui entravent leurs efforts – dont beaucoup viennent de leurs propres limites –, apprendre à travailler ensemble, ce qu'on pense qu'ils savent déjà... mais pas toujours.
Le nouveau pape François en sait quelque chose, lui qui est fils de cette Argentine où se tient la conférence épiscopale maronite (et si c'est un hasard, c'en est un heureux). Les éditions Magnificat viennent de publier du pape les grandes lignes d'une retraite ignacienne qu'il a prêchée... à des évêques (« Amour, Service et Humilité »). Il y parle des craintes, peurs et appréhensions qui paralysent les évêques, et tout travailleur pastoral. Partant de l'épisode évangélique où les apôtres dans la barque, ballottée par les vagues et près de couler, voient le Christ s'approcher d'eux marchant sur la mer, il note que Jésus répond à leur reproche – « Tu ne te soucie pas de ce qu'on coule? » – par un autre reproche : « Pourquoi avez-vous peur ? Comment n'avez-vous pas la foi ? »
Le nouveau pape François en sait quelque chose, lui qui est fils de cette Argentine où se tient la conférence épiscopale maronite (et si c'est un hasard, c'en est un heureux). Les éditions Magnificat viennent de publier du pape les grandes lignes d'une retraite ignacienne qu'il a prêchée... à des évêques (« Amour, Service et Humilité »). Il y parle des craintes, peurs et appréhensions qui paralysent les évêques, et tout travailleur pastoral. Partant de l'épisode évangélique où les apôtres dans la barque, ballottée par les vagues et près de couler, voient le Christ s'approcher d'eux marchant sur la mer, il note que Jésus répond à leur reproche – « Tu ne te soucie pas de ce qu'on coule? » – par un autre reproche : « Pourquoi avez-vous peur ? Comment n'avez-vous pas la foi ? »
La peur est mauvaise conseillère. Elle travaille contre la foi. Le pape en donne quelques exemples : la peur d'être taxé d'autoritarisme, la peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas réussir, la peur de confronter une situation difficile avec « décision et fermeté » avant qu'elle ne se transforme en un « épouvantable scandale », la peur de faire preuve de compassion, la peur d'être téméraire, le risque d'être pusillanime...
Oui, Bergoglio, comme continuent de l'appeler ses intimes, sait mieux que quiconque comment l'esprit du monde s'infiltre dans l'esprit d'un homme de Dieu et le laisse sans fruits. Comment au vin enivrant de la foi chrétienne se mélange l'eau des calculs humains, au point de le rendre insipide, imbuvable...
Car on a tendance à oublier que ces évêques, ces supérieurs généraux, sont des êtres humains. Ils ont beau tendre à la sainteté, ils ont beau y aspirer de toutes leurs forces, sous leurs dehors parfois de rudesse, certains se sont résignés à ne la saluer que de loin.
Leurs inquiétudes sont d'autant plus grandes que le Liban est lui-même ballotté ; et qu'à mesure que les mois et les années passent, on se rend compte qu'il n'est plus possible de vivre comme avant. Les épreuves politiques actuelles, les armes illégales, la mentalité théocratique qui s'est infiltrée dans la société libanaise, la culture de l'impunité et celle de la dépendance servile, la guerre en Syrie, le poids des réfugiés, en sont autant de preuves.
Pourtant, on aurait tort de croire que le seul risque que court l'Église maronite vient du facteur politique, de l'impossibilité de retrouver le portefeuille des Affaires étrangères, ou de nommer tel ou tel fonctionnaire, ou encore du risque de dispersion et de la baisse de son importance numérique. Certes, toutes ces menaces sont réelles, et certains s'emploient à les relever. Le travail accompli par la Fondation maronite dans le monde, ou celui qui s'accomplit, est sur ce plan exemplaire.
Dissolution
Mais il y a une menace aussi pernicieuse et mortelle que celles qui ont été énumérées plus haut, pour les maronites, c'est celle de la dissolution spirituelle et culturelle, et elle frappe indistinctement tous les chrétiens, et non les seuls maronites, et non les seuls émigrés. Et ce qui est fait pour relever ce défi est nettement insuffisant.
Ce défi est celui de la nouvelle évangélisation dont a parlé Jean-Paul II, et dont François prend la relève avec vigueur. Sur ce plan, le clergé maronite n'est pas très gâté. Certes, il sait servir, prêcher, conseiller, moraliser, plaider, discourir, lever des fonds, bousculer, argumenter... Mais évangéliser ? Il a (presque) tout à apprendre sur ce plan et la question de la formation des prêtres – et peut-être de leur « recrutement » – se pose de toute urgence.
Les premiers auxquels il faudrait s'adresser sont les jeunes. À Buenos Aires, j'ai entendu un prêtre maronite languir après une mission pour laquelle il était venu là et qui n'avait pas avancé en trois ans. Aucun programme adéquat, quelques fidèles, les mêmes, à la messe du matin ou du soir, dans un quartier vide. À Tucuman, j'ai vu un prêtre maronite âgé qui avait « sacrifié » sur place toute sa vie, fidèle au poste, pour rien. Je ne sais si ces voix sont parvenues à la conférence épiscopale. Le patriarche devait y veiller. Il a d'ailleurs souligné l'urgence de s'adresser d'abord aux maronites d'Amérique latine. Car il est trop facile pour la conférence de s'embourber dans les méandres des rapports conflictuels qui s'installent entre le siège patriarcal et les ordres religieux qui le servent ou le desservent, et d'oublier le reste. On se félicite qu'à Suresnes (France), le long « conflit » inutile ait été réglé et que l'ordre libanais maronite qui veille sur cette paroisse ait enfin reçu l'autorisation d'y célébrer baptêmes et mariages, sans plus avoir à envoyer les fidèles rue d'Ulm. Mais le fond du problème n'est pas là. Il n'est pas dans le règlement de questions administratives, ou de détails de procédure, voire dans des questions d'argent, alors que l'essentiel, le Christ ressuscité, attend.
Un nouveau monde émerge, hostile à l'Évangile, et pas seulement aux maronites, ou à l'Église universelle. La mondialisation du modèle culturel séculariste, hédoniste, est un phénomène effrayant. Certes, et grâce à Dieu, il y a des sociétés plus protégées que d'autres contre ce phénomène. Ou disons plus attardées que d'autres à s'attabler à ce banquet d'un monde sans Dieu. Mais n'est-il pas déjà là, entre nos mains et dans nos foyers, et parfois sur nos lèvres, ce cadeau empoisonné ?
Oui, Bergoglio, comme continuent de l'appeler ses intimes, sait mieux que quiconque comment l'esprit du monde s'infiltre dans l'esprit d'un homme de Dieu et le laisse sans fruits. Comment au vin enivrant de la foi chrétienne se mélange l'eau des calculs humains, au point de le rendre insipide, imbuvable...
Car on a tendance à oublier que ces évêques, ces supérieurs généraux, sont des êtres humains. Ils ont beau tendre à la sainteté, ils ont beau y aspirer de toutes leurs forces, sous leurs dehors parfois de rudesse, certains se sont résignés à ne la saluer que de loin.
Leurs inquiétudes sont d'autant plus grandes que le Liban est lui-même ballotté ; et qu'à mesure que les mois et les années passent, on se rend compte qu'il n'est plus possible de vivre comme avant. Les épreuves politiques actuelles, les armes illégales, la mentalité théocratique qui s'est infiltrée dans la société libanaise, la culture de l'impunité et celle de la dépendance servile, la guerre en Syrie, le poids des réfugiés, en sont autant de preuves.
Pourtant, on aurait tort de croire que le seul risque que court l'Église maronite vient du facteur politique, de l'impossibilité de retrouver le portefeuille des Affaires étrangères, ou de nommer tel ou tel fonctionnaire, ou encore du risque de dispersion et de la baisse de son importance numérique. Certes, toutes ces menaces sont réelles, et certains s'emploient à les relever. Le travail accompli par la Fondation maronite dans le monde, ou celui qui s'accomplit, est sur ce plan exemplaire.
Dissolution
Mais il y a une menace aussi pernicieuse et mortelle que celles qui ont été énumérées plus haut, pour les maronites, c'est celle de la dissolution spirituelle et culturelle, et elle frappe indistinctement tous les chrétiens, et non les seuls maronites, et non les seuls émigrés. Et ce qui est fait pour relever ce défi est nettement insuffisant.
Ce défi est celui de la nouvelle évangélisation dont a parlé Jean-Paul II, et dont François prend la relève avec vigueur. Sur ce plan, le clergé maronite n'est pas très gâté. Certes, il sait servir, prêcher, conseiller, moraliser, plaider, discourir, lever des fonds, bousculer, argumenter... Mais évangéliser ? Il a (presque) tout à apprendre sur ce plan et la question de la formation des prêtres – et peut-être de leur « recrutement » – se pose de toute urgence.
Les premiers auxquels il faudrait s'adresser sont les jeunes. À Buenos Aires, j'ai entendu un prêtre maronite languir après une mission pour laquelle il était venu là et qui n'avait pas avancé en trois ans. Aucun programme adéquat, quelques fidèles, les mêmes, à la messe du matin ou du soir, dans un quartier vide. À Tucuman, j'ai vu un prêtre maronite âgé qui avait « sacrifié » sur place toute sa vie, fidèle au poste, pour rien. Je ne sais si ces voix sont parvenues à la conférence épiscopale. Le patriarche devait y veiller. Il a d'ailleurs souligné l'urgence de s'adresser d'abord aux maronites d'Amérique latine. Car il est trop facile pour la conférence de s'embourber dans les méandres des rapports conflictuels qui s'installent entre le siège patriarcal et les ordres religieux qui le servent ou le desservent, et d'oublier le reste. On se félicite qu'à Suresnes (France), le long « conflit » inutile ait été réglé et que l'ordre libanais maronite qui veille sur cette paroisse ait enfin reçu l'autorisation d'y célébrer baptêmes et mariages, sans plus avoir à envoyer les fidèles rue d'Ulm. Mais le fond du problème n'est pas là. Il n'est pas dans le règlement de questions administratives, ou de détails de procédure, voire dans des questions d'argent, alors que l'essentiel, le Christ ressuscité, attend.
Un nouveau monde émerge, hostile à l'Évangile, et pas seulement aux maronites, ou à l'Église universelle. La mondialisation du modèle culturel séculariste, hédoniste, est un phénomène effrayant. Certes, et grâce à Dieu, il y a des sociétés plus protégées que d'autres contre ce phénomène. Ou disons plus attardées que d'autres à s'attabler à ce banquet d'un monde sans Dieu. Mais n'est-il pas déjà là, entre nos mains et dans nos foyers, et parfois sur nos lèvres, ce cadeau empoisonné ?
Envoyé de mon iPad jtk
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