Une croix sur les chrétiens d'Orient
Chrétiens de Syrie - HANSEN CATHERINE/SIPA
Que serait le monde sans les chrétiens d'Orient ? Que serait-il si disparaissaient du Moyen-Orient ceux qui célèbrent encore leur office dans l'araméen, la langue du Christ ? Que serait-il sans cette divine liturgie qui permet d'appréhender Dieu par les cinq sens : le goût par le pain et le vin, l'ouïe par ces chants que l'éditeur et théologie Jean-François Colosimo a comparés au silence des anges, la vue par la beauté des décorations, l'odorat grâce aux volutes d'encens s'envolant vers les coupoles rondes pour retomber sur les fidèles, et le toucher en embrassant les icônes ? Que serait-il, le monde, sans ces myriades de saints, d'anachorètes, de stylites et d'abbas ? Bref, que serait le monde sans une partie du monde ? Arabes et chrétiens. Tragédie des chrétiens orientaux. Arabes, ils appartiennent à une immense communauté. Chrétiens, ils communient avec des millions d'autres fidèles et, pourtant, arabes et chrétiens, ils sont voués à n'être qu'une minorité, étrangers dans leur propre pays.
Or, en Irak comme en Syrie ou en Egypte, la question de cette présence multiséculaire est posée. Il ne s'agit pas là d'une simple question d'antériorité. Il s'agit juste de se demander ce que peuvent être l'Egypte sans les Coptes, l'Irak et la Syrie sans les assyro-chaldéens. S'agissant de ces deux derniers pays, on sait bien que les chancelleries occidentales ont fait longtemps une croix sur les chrétiens orientaux. On pouvait mourir sur les bords de l'Euphrate ou de l'Oronte, la diplomatie jugeait que ces martyrs n'entraient pas dans l'équation de Damas ou de Bagdad. Nous n'ignorions rien des mille formes prises par les succursales d'Al-Qaida et des subtiles dissemblances entre les différents caïds qui s'instituaient califes, mais nous ne savions pas grand-chose de la liturgie de saint Jean Chrysostome. Jusqu'au moment où l'ultimatum lancé par l'Etat islamique aux chrétiens de Mossoul est venu tardivement réveiller les consciences.
Bon nombre de nos politiques qui pleurent aujourd'hui sur les chrétiens d'Orient ne connaissaient, hier, même pas leur existence. Pis : ils leur refusaient le droit d'asile, qui s'est considérablement réduit ces dernières années. La tentation est grande d'instrumentaliser cette cause comme on tenta de le faire jadis pour les maronites du Liban. Déjà, on se frotte les mains à droite ou à l'extrême droite. Ce serait là un second malheur pour ces Arabes chrétiens que l'on cherche depuis des siècles à enrôler dans toutes les croisades.
La droite israélienne, qui cherche à étendre le service militaire, veut encourager ces chrétiens à se porter volontaires dans l'armée israélienne. Certaines voix rêvent même de les voir abandonner progressivement leur arabité. A la fin de 2009, le Hamas a pris la décision de supprimer comme jour férié le 6 janvier, fête de la Nativité pour les chrétiens orientaux et fête reconnue par l'Autorité palestinienne. Il a expliqué sa décision par la nécessité de « promouvoir l'attachement des Palestiniens à leur origine arabe, islamique et orientale, les trois éléments qui font la fierté nationale ». Arabe et chrétien, cela ne peut pas exister. Mais que serait l'identité palestinienne sans la laïcité, sans les chrétiens arabes ? Tout cela vous paraît compliqué ? Certes mais comme le dit le vieil adage libanais : « Si tu penses avoir compris le conflit du Proche-Orient, c'est qu'on te l'a mal expliqué. »
Envoyé de mon Ipad
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