Une nouvelle église Saint-Charbel, celle de Bucarest (Roumanie), s'est ajoutée hier à la substantielle série d'églises dédiées au moine de Annaya, icône même de l'effacement, devenu après sa mort l'un des plus grands thaumaturges de l'Église universelle. Blanche, ramassée, mais spacieuse, sa dédicace par le patriarche Raï, deux ans après le lancement du projet, couronne les efforts d'une petite communauté libanaise qui s'est installée en Roumanie, après la chute de Ceausescu, et qui s'acclimate bien à l'hospitalité de ce pays d'Europe de l'Est. D'autres chrétiens orientaux, des Irakiens surtout, mais également des Syriens, des Jordaniens et même quelques Arméniens, s'en trouvent bien aussi, et se sont joints à la petite congrégation aux soins de laquelle veille le P. Fady Rouhana, nommé là par le patriarche Raï, du temps où il était évêque de Jbeil. En fait, l'église servira de point de rassemblement à tous les catholiques orientaux de Roumanie et de Bulgarie.
Sous un ciel radieux, la joie de la petite congrégation était sans mesure, à l'arrivée du patriarche : applaudissements et youyous se sont mélangés avec les sons clairs de deux cloches acheminées de Beit Chabab, suivis d'une danse folklorique roumaine, d'un court discours et des chants, et enfin d'un lâcher de pigeons.
Autour de l'autel nouvellement dédicacé, quatre évêques libanais, l'archevêque de Bucarest Ioan Robu et le nonce apostolique en Roumanie se sont inclinés. Aux premières rangées, l'ambassadrice du Liban, Rana Moqaddam, le mufti de Roumanie, qui compte une minorité musulmane, un représentant du patriarche orthodoxe, des ambassadeurs arabes et étrangers, un sénateur, un député, des amis du Liban... et, très bon signe, beaucoup de familles. La chorale locale fait des merveilles. Il y avait là d'aussi belles voix qu'au pays.
Le Liban offert en modèle
Arrivé à l'homélie, et avant de consacrer l'autel en bois précieux en l'oignant d'huile sainte aux quatre angles, le patriarche prononce une homélie dans laquelle, après une longue première partie de remerciements, il développe des thèmes qui lui sont chers, offrant le régime politique pluraliste en vigueur au Liban comme modèle de séparation entre la religion et l'État, dans le respect de la diversité religieuse de ses composantes communautaires. Le patriarche déplore aussi les dérives fondamentalistes d'un monde arabe qui se cherche. L'homélie est un compendium de propositions cent fois exprimées par un patriarche qui désespère de faire entendre raison à la classe politique libanaise. Au nom de tout ce qui lui est sacré, il adjure celle-ci de faciliter la formation du gouvernement, plaidant pour que le Liban soit un trait d'union entre le monde arabe et l'Europe, dans le cadre du projet euro-méditerranéen, sans oublier d'insister sur la nécessité de régler politiquement la crise syrienne, dans le sens voulu par le chef de l'Église universelle qui, assure le patriarche, a modifié le cours de la crise en lançant un appel à une journée de prière et de jeûne
Devant des officiels
Ces propos, le chef de l'Église maronite les avait déjà tenus devant au moins trois officiels roumains, le ministre des Affaires étrangères, le président du Sénat et le vice-président de la Chambre. En effet, comme à son habitude durant ses nombreux voyages, le patriarche a mis à profit ses quatre jours en Roumanie, où il était arrivé jeudi soir, pour établir des contacts avec les autorités politiques et ecclésiales du lieu. C'est ainsi qu'il a rendu également visite vendredi au patriarche orthodoxe de Roumanie, qu'il a invité au Liban.
Le patriarche devait à nouveau dire le fond de sa pensée dans un discours marquant, vendredi soir, la plantation d'un cèdre près de l'ambassade du Liban à Bucarest.
Des mots simples, mais le cœur lourd
Le patriarche s'y était exprimé avec des mots simples, mais l'inflexion de sa voix trahissait un cœur lourd. Lourd de toutes les aspirations inassouvies qu'un homme peut avoir pour sa propre patrie, qui se débat dans une crise politique interminable : lourd de toutes les déceptions que peut apporter un monde arabe livré aux convulsions d'un printemps chargé de violence, et auquel aucun chrétien, un patriarche oriental encore moins, ne saurait être indifférent. Le monde arabe a aujourd'hui besoin, plus que jamais, de ses chrétiens, pour éclairer la route et accéder à ce qu'il y a de meilleur dans la modernité, tout en en rejetant ses grimaces, avait-il dit en substance ce soir-là, avant de passer une demi-heure à serrer les mains des invités, au cours d'une réception offerte en son honneur à l'ambassade.
Ce discours sera repris, comme un leitmotiv, au cours de la catéchèse qu'il tiendra le lendemain, samedi soir, dans le salon flambant neuf de la nouvelle église Saint-Charbel. Là, il recevra en cadeau, des mains de frère Dominique, de la Communauté Saint-Jean, le calice que le P. Fady Rouhana utilisait pour célébrer la messe, quand la paroisse Saint-Charbel était encore itinérante. Dommage que ce geste de communion soit resté sans réponse appropriée, et que le calice n'ait pas été utilisé lors de la dédicace de la nouvelle église. Mais dans l'agitation extraordinaire des préparatifs, on ne pouvait penser à tout.
Rentré hier soir de Bucarest, le patriarche se rendra mardi à Rome pour des réunions de travail préparatoires à la visite ad limina que rendront au nouveau pape tous les évêques maronites, le 25 septembre.
Envoyé de mon Ipad
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