En Irak, les chrétiens protestent contre une nouvelle atteinte à leurs libertés
Le patriarche de Babylone des chaldéens s'alarme de voir sans cesse reculer les libertés accordées aux minorités irakiennes.
Dimanche 13 décembre, les chrétiens de Bagdad ont eu la douloureuse surprise de découvrir sur les murs de leurs maisons et de leurs églises des affiches, sans doute apposées par les milices chiites. À côté d'une image de la Vierge Marie, un message disait en substance : « La Vierge était voilée, vous aussi portez le voile sinon nous vous y forcerons », résume le patriarche de Babylone des chaldéens, Sa Béatitude Louis Raphaël Sako.
« Ces affiches touchent à la liberté des chrétiens de se vêtir comme ils l'entendent. La Très Sainte Vierge Marie vivait il y a deux mille ans, dans une société et une culture différente », rappelle-t-il dans un texte diffusé jeudi et intitulé « Les chrétiens d'Irak pourront-ils vivre un jour la joie de Noël ? » « Le vrai voile est le voile de l'esprit et de la moralité ! », lance au passage cet inlassable défenseur de la coexistence entre chrétiens et musulmans…
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Expulsions illégales
Cette nouvelle provocation l'inquiète au plus haut point, d'autant qu'elle émane non pas de la partie – majoritairement sunnite – du territoire aux mains de l'État islamique mais de celle – majoritairement chiite – que contrôle le gouvernement. Et qu'elle fait suite à de multiples mesures discriminatoires.
À Bagdad, les familles chrétiennes se voient régulièrement expropriées et expulsées de leurs maisons par des musulmans qui falsifient les registres administratifs. « C'est ce qui est arrivé il y a quelques jours à une famille chrétienne qui habite le quartier Palestine, au centre de Bagdad », relate le patriarche dans son texte. « Elle a été menacée et volée en plein jour. »
Sous la pression internationale, le gouvernement a d'ailleurs annoncé en août la création d'« un comité ad hoc des forces de sécurité dans le but de recueillir des informations et de prendre des mesures concrètes à propos des violences et abus ciblés subis par les chrétiens en Irak et en particulier dans la capitale ».
Les enlèvements sont courants
De fait, les « abus » ne visent pas seulement les biens des chrétiens mais aussi leur personne : les enlèvements sont courants, et se terminent parfois tragiquement, même quand la famille a payé la rançon…
Sur le plan légal aussi, les libertés ne cessent de reculer : en octobre, le Parlement a adopté une loi sur la carte d'identité qui contraint les enfants mineurs issus de familles chrétiennes, mandéennes ou yézidies à être enregistrés eux-mêmes comme musulmans dès lors qu'un de leurs parents se convertit à l'islam. « C'est comme si la liberté et les droits les plus fondamentaux ne s'appliquaient pas pour nous, qu'ils étaient réservés aux autres », s'insurge Louis Sako.
Un an et demi après l'invasion de Mossoul et de la plaine de Ninive par l'État islamique, qui a chassé de chez eux 120 000 chrétiens et des centaines de milliers de yézidis, de chabaks, de kakaïs et de mandéens, la situation ne cesse donc d'empirer pour les minorités religieuses.
Appel à la mobilisation de la communauté internationale
« Chaque jour, ils inventent une nouvelle mesure. Ils ne nous laissent pas respirer », soupire le patriarche Sako, contacté par téléphone, et qui redoute qu'influencés par leur voisin iranien, « même les chiites veuillent créer un État islamique débarrassé de ses minorités en Irak ».
Au nom de l'Église de France, le directeur de l'Œuvre d'Orient, Mgr Pascal Gollnisch, condamne fermement cette nouvelle atteinte au droit international : « Nous ne devons pas tolérer des discriminations sur lesquelles nous constatons un silence trop complice. Les pays membres de l'ONU ont des obligations en matière de liberté religieuse. Il n'y a pas de raison de les abandonner dès lors qu'il s'agit de pays majoritairement musulmans », assène-t-il, appelant les organisations de défense des droits de l'homme et le haut-commissaire aux droits de l'homme de l'ONU à agir « beaucoup plus fortement ».
« En restant silencieux sur des atteintes qui semblent d'abord mineures, nous en préparons de plus lourdes et nous nourrissons l'idée que les chrétiens ne peuvent vivre comme chrétiens dans leur propre pays », souligne le directeur de cette œuvre d'Église au service des chrétiens d'Orient.
Au nom de l'ensemble des chrétiens irakiens, syriens-catholiques ou orthodoxes comme chaldéens, le patriarche Louis Sako refuse lui aussi de baisser les bras et prévient : « Nous ne céderons pas face à l'injustice. Au contraire, nous allons rester attachés à notre terre, à notre patriotisme et nous allons continuer à vivre notre amour pour nos concitoyens, tout simplement parce qu'ils sont nos frères. »
Anne-Bénédicte HoffnerJtk
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