Une recension de Jean-Pierre Allali
À l'heure où le monde entier commémore le génocide des Arméniens de 1915, voici un livre qui permet de sortir de l'oubli un génocide parallèle dans le temps comme dans l'espace, celui des assyro-chaldéens-syriaques. Avec un même coupable : l'Empire ottoman. Pour accomplir leur sinistre besogne faite d'assassinats, de viols, d'exils meurtriers et de marches harassantes dans le désert ou encore de conversions forcées de jeunes enfants, les Turcs de l'époque, souvent secondés par des supplétifs kurdes et, dans une moindre mesure par des Persans, ont ratissé de larges régions : le Hakkari et le Diyarbékir, Ourmiah, Salamas, comme la province de Van , Mossoul et bien d'autres lieux, terroirs ancestraux de populations chrétiennes parlant toujours l'araméen. Qu'on les désigne sous les vocables d'Assyriens, de Chaldéens, de Syriaques, de Nestoriens, de Jacobites ou d'Araméens, ils vivaient depuis des millénaires dans cette Mésopotamie historique.
Inlassablement, Joseph Yakoub analyse les livres et témoignages d'époque, souvent d'ecclésiastiques, qui concordent tous : des centaines de villages ont été détruits et leur population massacrée, quelque 250 000 âmes en tout.
Si la tragédie de ces populations est moins connue que celle que subirent les Arméniens, c'est, notamment, parce que les Assyro-Chaldéens étaient moins nombreux que les Arméniens, qu'ils étaient éparpillés sur un vaste territoire, et, surtout, qu'ils n'avaient jamais disposé d'un État.
Au fil des pages de ce livre très intéressant, on découvre que les premières persécutions visant les Assyro-Chaldéens datent des premiers siècles de notre ère avec les méfaits des Romains sous les empereurs Trajan et Dioclétien. Les Perses sassanides sous Shapur II, ArdashirII, BehramV et Yazdegerd II prendront le relais. Et, bien avant la catastrophe de 1915, les Ottomans et les Kurdes se livrèrent, entre 1843 et 1847, à de terribles tueries dans le Hakkari. En 1895, ce sera au tour du sultan Abdul Hamid II de poursuivre les massacres.
L'islamisation, explique Joseph Yacoub, aura été, au cours des siècles, un moyen de suppression de l'identité d'un groupe humain. Ce véritable ethnocide ne cessera pas en 1915. En 1918, les exactions continuent, puis en 1925. De nos jours, avec la décomposition de l'Irak et de la Syrie, les Chrétiens dits « d'Orient » qui demeurent encore dans ces régions sont la proie des tenants de l'État islamique. L'exode continue. En France, en Europe, en Amérique, des communautés assyro-chaldéennes s'organisent et résistent envers et contre tout.
Un excellent document.
Note :
(*) Éditions du Cerf. Janvier 2015. 304 pages. 24 euros
Envoyé de mon Ipad
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