Frère Alois : « Nous ne devons pas nous laisser hypnotiser par la peur »
M.MIGLIORATO/CPP/CIRIC/Catholic Press Photo
Frère Aloïs, prieur de la communauté de Taizé, a témoigné, à Valence (Espagne), lors de la Rencontre européenne des jeunes, des deux semaines qu'il a passé au Liban et en Syrie.
Qu'avez-vous ressenti en Syrie, où vous avez passé une semaine autour de Noël ?
Frère Alois : J'étais à Homs pour Noël. La ville est en grande partie détruite, ses habitants sont épuisés par la violence, d'où qu'elle vienne. La guerre dure depuis quatre ans. Ils n'en voient pas le bout. Or ce sont ces mêmes personnes qui s'engagent, souvent pour les enfants. Devant la cathédrale grecque-catholique en ruines, les paroissiens ont célébré une fête de Noël pour eux. Les enfants chantaient. C'était poignant !
La parole d'espérance chrétienne est-elle audible dans de telles circonstances ?
F. A. :À Lattaquié, sur la côte, les extrémistes, qui ont annoncé vouloir prendre la ville, sont à 20 kilomètres. L'évêque latin a ouvert une porte sainte, et beaucoup de Syriens ont participé à cette célébration. J'ai ressenti la force de la Tradition de l'Église, quand il ne reste que le découragement. C'est une leçon que je rapporte de Syrie. Et puis, la collaboration entre chrétiens et musulmans. Lattaquié est remplie de réfugiés. Une chrétienne y organise la distribution de nourriture fournie par les Nations unies. Sa cour est remplie de femmes voilées. Une autre, musulmane, a commencé toute seule une association pour organiser le rattrapage scolaire pour les enfants. Elle l'a appelée Mosaïque – ce qui est bien la réalité de la Syrie, une mosaïque de cultures. Les jeunes m'ont souvent demandé : « Où est Dieu ? Pourquoi la violence ? » Il faut porter cette question avec eux. La plupart disent vouloir continuer à vivre ensemble, chrétiens et musulmans. « Dites cela en Occident, m'ont-ils demandé, car la voix des armes couvre nos voix. »
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Comment faire le chemin de la haine vers la paix ?
F. A. :Nous pouvons montrer par notre vie que Dieu est amour. Pas seulement par l'action caritative, mais dans la vie quotidienne. Il faut aller vers l'autre. Avoir le courage de la miséricorde. Nous sommes à un moment important en Europe où la peur grandit. Elle est compréhensible. Mais nous ne devons pas nous laisser hypnotiser par elle. À Taizé, nous accueillons 11 migrants soudanais et un autre afghan, venus de Calais, ainsi qu'une famille irakienne. Nous avons bien informé la région où nous vivons avant de les recevoir et beaucoup portent cette initiative avec nous. L'afflux d'étrangers en Europe génère de la peur, mais aussi beaucoup de générosité. Dieu appelle à la joie de vivre la fraternité. Je constate d'ailleurs que les jeunes accueillis à Taizé ont le goût d'expérimenter de nouvelles voies. La solidarité dans l'économie. L'attention à la Création. De petites initiatives locales se multiplient et les jeunes aiment contribuer à cette solidarité.
Recueilli par Christophe Chaland, à ValenceJtk
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