Mgr Samir Nassar : « A Damas, c'est la prière qui nous fait tenir »
Mgr Samir NASSAR, archevêque maronite de Damas, lors du synode pour les évêques du Moyen Orient à Rome. / ///
Comment décrire la situation à Damas actuellement ?
C'est une ville triste, mais les gens s'habituent à la guerre et aux bombardements. Ils ont développé une grande force de résistance, ils continuent à vivre et à travailler. Dans ces situations de pauvreté et de pénurie, la solidarité est très forte. Nous avons ouvert une nouvelle chapelle le 8 janvier dans la banlieue-Est de Damas : c'est un point de lumière pour les fidèles. La prière nous fait tenir. D'ailleurs la foi reprend sa force ici. Elle est discrète, silencieuse mais plus authentique. Avant la guerre, on demandait aux gens de ne pas partir avant la fin de la messe ; aujourd'hui, c'est nous qui devons les faire partir ! Certains restent prier jusqu'à la fermeture de l'église.
Comment soutenez-vous vos fidèles ?
Simplement en étant présent. C'est un message pour eux. Nous partageons aussi les dangers de la vie ici. En mars 2013, un de nos diacres est mort, blessé par un obus. J'ai dit alors à tous mes prêtres que s'ils voulaient partir, ils le pouvaient. Ils m'ont tous répondu : « Si vous restez, nous restons ». Pour le moment, nous sommes encore vivants.
La presse française a beaucoup parlé du siège de Madaya ces derniers jours. Comment ressentez-vous ce drame depuis Damas ?
Madaya une région montagneuse où il fait très froid l'hiver. C'est très rude. La situation là-bas est pour moi caractéristique d'une fin de conflit. À l'approche des pourparlers, la violence redouble. C'est comme au Liban, les pires années ont été les deux dernières, en 1989 et 1990. Mais c'est de la politique, on est loin de tout ça. Et puis, on ne peut rejoindre Madaya pour aider. Le pays est trop découpé maintenant, trop morcelé en zones amies et zones ennemies. On ne peut pas intervenir, pas à notre échelle.
> À lire : La population assiégée de Madaya en Syrie manque de tout
Avez-vous pu fêter l'entrée dans l'année de la miséricorde ?
Oui. Nous avons même consacré une porte sainte à la cathédrale maronite de Damas dans la vieille ville : « porta sancta ». Nous proposons aux fidèles qui entrent par cette porte de continuer par un petit pèlerinage dans la cathédrale : d'abord au baptistère, puis au confessionnal pour prononcer leur acte de contrition, enfin à l'autel pour réciter la prière de sainte Faustine. Nous avons aussi publié un guide pour aider les gens pendant cette année, avec cinquante-sept actes de charité dont ils peuvent s'inspirer. Tout cela pour les aider à vivre leur calvaire ici à Damas.
Comment aider les chrétiens de Syrie depuis la France ?
C'est difficile. Nous faisons des demandes régulières et nous recevons des dons. Mais faire venir de l'argent en Syrie est très difficile, à cause du blocus. Si on nous donne trop, on peut être menacé et dévalisé : il est dangereux pour nous de montrer trop de richesse. Et puis, il ne faut pas montrer du souci seulement pour les chrétiens mais pour tous les Orientaux. Il faut aider surtout les chrétiens d'ici à s'intégrer et à ne pas vivre dans la peur ou le repli. Nous sommes au milieu d'un conflit qui concerne l'islam et les premières victimes sont les musulmans. Il ne faut pas les oublier.
Et comment envisagez-vous l'avenir pour l'Église d'Orient ?
En 2013, les évêques et les patriarches de Syrie se sont réunis en conclave au Liban. Ils ont réfléchi à un plan de sauvetage du christianisme en Orient en plusieurs points. Il faut d'abord favoriser l'unité entre toutes les églises orientales, catholiques et orthodoxes. Puis, accorder plus de place aux laïcs et aux jeunes dans la vie des églises locales. Troisièmement, assurer un dialogue plus fructueux avec l'islam, afin de mieux connaître l'islam et pour que les musulmans connaissent mieux le christianisme.
Nous avons aussi besoin de nous pencher davantage sur l'enseignement social de l'Église. C'est la condition pour rétablir le rôle majeur de l'Église au Proche-Orient. Une fois la paix revenue, il ne faut pas revenir à la situation antérieure, mais passer à cette stratégie. Même si nous sommes peu, nous pourrons changer les choses. Je ne crains pas pour le christianisme en Orient.
Recueilli Par Claire Bastier
Jtk
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