« Juif », « arabe », « druze », « circassien », « bédouin » ? En plus de la citoyenneté du pays, chaque Israélien a la possibilité de faire inscrire dans son état civil sa « nationalité ». Le 16 septembre, le ministère de l'intérieur a publié un décret reconnaissant une sixième : les « chrétiens araméens ».
Cette nationalité est accessible sur la base du volontariat, à condition de remplir trois critères : être originaire du Moyen-Orient, parler couramment l'araméen et appartenir à l'une des confessions ayant conservé, pour la liturgie, cette langue très ancienne (maronite, syrienne-catholique, syrienne-orthodoxe, grecque-catholique, grecque-orthodoxe). Sur les 150 000 chrétiens d'Israël (1,8 % de la population), environ 20 000 personnes pourraient s'en réclamer.
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Considéré par les chercheurs comme la seule langue courante à l'époque du Christ, l'araméen était déjà parlé par les juifs six siècles auparavant. Cette proche parente de l'hébreu et du syriaque a été pratiquée en Asie mineure jusqu'à l'époque des premiers chrétiens : elle a alors reculé face au grec et au latin, bien avant l'avènement de l'arabe, au VIIIe siècle. On peut encore entendre l'araméen dans certains villages syriens et irakiens, notamment près de Mossoul.
20 % de la population d'Israël
Chrétiens et musulmans confondus, les Arabes représentent 20 % de la population d'Israël. Aussi appelés « Palestiniens de l'intérieur » ou « Palestiniens de 1948 », ils sont installés essentiellement dans les environs de Haïfa et de Nazareth. D'une manière générale, ils présentent un front uni face aux juifs israéliens.
Mais depuis quelques années, certains chrétiens (principalement grecs-orthodoxes et maronites) ne veulent plus être identifiés à des Palestiniens. Aspirant à une meilleure intégration, ils répondent aux sollicitations du gouvernement à faire leur service militaire – les musulmans, eux, en sont exemptés.
C'est pour se démarquer plus clairement de ces derniers que certains chrétiens revendiquent aujourd'hui leur identité « araméenne ».
« Si nous parlons arabe, c'est seulement à cause de la conquête musulmane, ce n'est pas notre langue d'origine », souligne un membre du Forum pour le recrutement des chrétiens, qui préfère rester anonyme.
Une proximité d'ordre sociologique
Fondé il y a deux ans par un prêtre grec-orthodoxe de Nazareth, il incite les chrétiens à entrer dans les rangs de Tsahal. « On voit tous les chrétiens tués par des musulmans dans les pays voisins alors que les Israéliens, eux, nous traitent très bien », ajoute cet homme qui s'est empressé d'adopter la nouvelle nationalité araméenne.
Pour Mayaan Raveh, universitaire israélienne, la proximité entre juifs et chrétiens est notamment d'ordre sociologique. « Dans ce pays, explique-t-elle, les chrétiens ressemblent davantage aux juifs qu'aux musulmans : ils font des études plus longues, se marient plus tard et ont moins d'enfants. Mais ils restent solidaires des autres Palestiniens ».
L'État hébreu cherche-t-il à diviser pour mieux régner ? C'est l'avis de la plupart des Arabes. En février, le Parlement a déjà voté une loi distinguant les Israéliens chrétiens et musulmans dans certaines assemblées représentatives. Une première.
« On ne devient pas quelqu'un par décret ministériel ».
La tension est d'autant plus forte que ce décret survient alors qu'un projet de loi vise à faire d'Israël l'« État-nation du peuple juif » et à destituer l'arabe de son statut de deuxième langue officielle.
L'Assemblée des ordinaires catholiques de Terre sainte n'a pas mâché ses mots, estimant qu'une nationalité araméenne « attaque » et même « défigure » l'identité des chrétiens d'Israël. Dans un communiqué, ces évêques ont exhorté les candidats « à se réveiller » : « Rendez-vous service à vous-mêmes, rendez service à votre peuple et à Israël en restant dans la vérité, vous êtes des Palestiniens chrétiens. »
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Pour Mgr Giacinto Boulos Marcuzzo, évêque latin de Nazareth, accorder l'identité araméenne aux seuls chrétiens est de toute façon un « contresens historique ». « La plupart des musulmans palestiniens de Terre Sainte descendent eux aussi des Araméens, avant que ceux-ci ne soient devenus chrétiens, puis musulmans ! » Excédé, il ajoute qu'« on ne devient pas quelqu'un par décret ministériel ».
En deux mois, seuls quelques centaines de chrétiens auraient demandé à adopter cette nouvelle nationalité. Ce sont globalement les mêmes, semble-t-il, que ceux qui se portent déjà volontaires pour être enrôlés dans l'armée israélienne. Ces récents naturalisés araméens revendiquent d'ores et déjà une représentation à la Knesset.
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Les Araméens dans la Bible
Aram, l'un des petits-fils de Noé, a donné son nom à la région de Damas où se serait établie sa descendance.
Dans le Deutéronome, les Israélites font mémoire de ces ancêtres : « Mon père était un Araméen nomade, qui descendit en Égypte : il y vécut en immigré avec son petit clan. C'est là qu'il est devenu une grande nation, puissante et nombreuse » (Deut 26, 5).
A la mort de David, un prince araméen, Hadad, s'empara de la région de Damas. Les livres des Rois racontent comment son royaume, en Syrie centrale, fut l'adversaire d'Israël pendant plusieurs siècles.
Rédigés en grec, les Evangiles comportent quelques mots d'araméen : « Talitha koum » (« petite fille, lève-toi ! ») quand Jésus réveille une jeune morte (Marc 5, 41), « Maranatha » (« le Seigneur vient ») ou encore « Abba » (« Père »), cri de détresse du Christ à Gethsémani (Marc 14, 36).
Envoyé de mon Ipad
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