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Un homme communie à l'église orthodoxe copte de Saint Mary and Saint Antonios dans le Queens à New York. Le nombre de fidèles y a doublé depuis la révolution égyptienne.Crédits photo : © Shannon Stapleton / Reuters/REUTERS
Installés à gauche de la nef dans l'église copte orthodoxe Saint Mary and Saint Antonios, les hommes en costume entonnent de longs chants répétitifs, s'attardant parfois plusieurs minutes sur une même voyelle en variant les notes. À droite, les femmes, pieds nus, un voile en dentelle recouvrant leur longue chevelure d'ébène, murmurent discrètement les mêmes cantiques en alternant l'anglais, le copte et l'arabe. Le prêtre coiffé de la kalansoha fait le tour des fidèles en faisant tournoyer un encensoir à grelots. Les volutes grises embaument la pièce.
Ce soir, c'est Noël, l'église est bondée. Plusieurs vagues d'immigrants coptes d'Égypte sont réunis, la plus récente datant de la chute de Hosni Moubarak et de l'arrivée des Frères musulmans au pouvoir. Le Wall Street Journal fait état de plus de 100.000 coptes ayant fui l'Égypte depuis le début de 2011. Beaucoup d'entre eux ont rejoint la communauté copte des États-Unis, estimée autour de 400.000 personnes avant la révolution. Les chiffres exacts sont difficiles à déterminer, nombre d'immigrants arrivant sur visa de tourisme et restant après son expiration. Mais les églises des trois grandes communautés coptes aux États-Unis, à New York, Jersey City et Los Angeles, constatent toutes un afflux important de nouveaux arrivants.
À l'église Saint Mary and Saint Antonios, le père Michael Sorial estime que sa congrégation a au moins doublé depuis la révolution égyptienne. «Nous avions déjà une autre église dans le quartier, nous avons racheté celle-ci en 2011 au moment où les nouveaux fidèles ont commencé à arriver en masse, et elle est pleine. Pour moi, c'est un miracle!» se réjouit ce prêtre de 36 ans, apprécié dans la communauté pour sa chaleur humaine. L'église, bâtie au XIXe siècle par des presbytériens, est située dans un quartier d'immigrants russes, polonais, grecs et italiens du Queens.
«La liberté n'a pas de prix»
Le père Sorial et son clergé ont mis en place un système efficace d'aide aux nouveaux arrivants. Ils ont établi une dizaine de comités pour faciliter leur intégration: formalités d'immigration, santé, éducation, emploi, logement, cours d'anglais, etc. Ashraf Aweeda, arrivé il y a dix-huit ans, est responsable des recherches d'emploi. Il aide aussi les nouveaux à dépasser le choc culturel initial. «Je leur dis par exemple qu'il ne faut pas élever la voix, ni parler avec les mains, sinon les Américains se sentent agressés.» Le père Sorial met l'accent sur le soutien spirituel de ses nouvelles ouailles. «Elles en ont besoin. Elles ont souvent quitté l'Égypte dans des conditions difficiles.»
Marianna Bolis et Gameel Gergis sont arrivés à la mi-octobre avec leurs deux enfants en bas âge. Ils nourrissent une profonde amertume envers le pouvoir islamiste du Caire pour avoir rendu leur pays «méconnaissable». Ils sont originaires de la ville d'Assouan sur les bords du Nil, où vit une importante communauté copte. «Le père de ma femme était un prêtre très respecté dans la ville, il a été assassiné il y a deux ans dans son bureau par quatre musulmans d'un coup de couteau dans le dos. À partir de ce moment-là, nous avons commencé à vivre dans la peur et peu à peu nous nous sommes résignés à partir», explique-t-il. Arrivés sur visa touristique, ils espèrent obtenir l'asile politique. Gameel se prépare aux examens de pharmacien, pour reprendre sa profession.
Tentative d'islamisation
Marianna, traumatisée par la mort de son père, ne veut plus jamais retourner vivre en Égypte. Elle raconte que sa sœur, qui habite encore à Hourgada, ville touristique épargnée par la mouvance islamiste, s'est vu récemment refuser un taxi parce que le chauffeur avait repéré une croix à son cou.
«J'entends beaucoup d'histoires de ce genre, de tentative d'islamisation de la population chrétienne. Les kidnappings d'enfants semblent s'être multipliés depuis l'arrivée des islamistes au pouvoir», raconte le père Sorial. Marcelle Soliman est arrivée en septembre avec son mari et sa fille Minerva âgée de 10 ans, sur un visa de touriste encore valide trois mois. Ancienne employée du ministère de la Justice au Caire, elle raconte que sa fille s'est vu ostraciser par des enfants musulmans du même âge quand ils ont appris qu'elle était chrétienne. «Depuis que les Frères musulmans ont pris le pouvoir, nous nous sentons beaucoup moins en sécurité. J'ai eu peur que ma fille soit forcée à porter le hijab ou bien kidnappée pour être mariée plus tard à un homme plus âgé», dit-elle. Les rançons pour les plus jeunes iraient de 30.000 à 150.000 dollars.
Le couple, qui vivait bien en Égypte, a emporté toutes ses économies, mais la vie n'est pas si simple à New York. Son mari, dirigeait une équipe de 30 personnes à l'aéroport du Caire. Il est obligé de faire la plonge dans un restaurant pour un salaire minuscule. Malgré les difficultés, aucun des nouveaux arrivants ne regrette pourtant sa décision et chacun conclut sur le même refrain:la liberté n'a pas de prix.
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Envoyé de mon iPad jtk
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