Quand le P. Paolo dall'Oglio justifiait son engagement auprès de ses proches
Les proches du P. Paolo dall'Oglio, enlevé en Syrie le 29 juillet 2013, ont rendu publique une lettre adressée à sa famille peu après son ordination diaconale, en 1983.
Le jésuite, qui a par la suite refondé le monastère syriaque de Mar-Moussa, revient sur les raisons profondes de son engagement au service du dialogue islamo-chrétien, une tâche qui incombe à l'Église tout entière.
« J'essaierai de contribuer au dialogue islamo-chrétien avec la claire conscience qu'on ne peut faire efficacement ce travail s'il reste un monopole clérical et ne devient pas un pour beaucoup de chrétiens une façon de vivre leur baptême. » Ainsi s'exprimait le P. Paolo dall'Oglio, dans une lettre dense adressée à sa famille le 30 octobre 1983, peu après son ordination diaconale.
Pour le trentième anniversaire de son ordination sacerdotale, ses proches ont voulu rendre public ce document où le jésuite, enlevé en Syrie le 29 juillet 2013, expliquait son choix de vie et sa volonté de se consacrer au dialogue et à la paix.
Le futur prêtre indique tout d'abord les principaux aspects de ce qui pourrait devenir sa mission au sein de la Compagnie de Jésus. « Cette mission, écrit-il, consiste en trois mots, celle d'être prêtre dans une Église en dialogue. En dialogue : c'est-à-dire dans l'ouverture à Dieu et au monde. »
Ordonné diacre dans l'Église syriaque, le jeune religieux perçoit le fait d'être né dans l'Église romaine comme une « grâce particulière » : « Si l'on ne tombe pas dans le romanocentrisme, on comprend qu'un service universel n'est possible que dans l'ouverture à la pluralité et l'accueil de la diversité. »
« Si nous ne vivons pas le dialogue à l'intérieur, comment le prêcherons-nous au dehors ? »
Quant à son engagement dans l'Église syrienne d'Antioche, le futur P. dall'Oglio le justifie comme un acte de « respect » et de « reconnaissance » à l'égard d'une « Église demeurée fidèle, malgré un océan de difficultés, à l'Evangile reçu des Apôtres et qui a donné à l'Église universelle une multitude de saints, martyrs, docteurs… »
« C'est une Église fière de son patrimoine, poursuit-il, et qui, si elle aime prier en syriaque, la langue parlée par Jésus et les juifs de son époque en Palestine, ne refuse pas de s'exprimer en arabe, la langue des fils d'Ismaël, des musulmans, avec lesquels le Seigneur l'a mise en contact depuis tant de siècles pour que, dans la fidélité et la souffrance, advienne le jour où tous les fils d'Abraham se reconnaîtront dans la Voie unique, la Miséricorde du Père. »
Concernant le dialogue islamo-chrétien auquel il entend se consacrer, le jeune religieux interroge tout d'abord : « Si nous ne vivons pas le dialogue à l'intérieur, comment le prêcherons-nous au dehors ? Si les Églises puissantes et majoritaires demeurent notre modèle de développement, comment demander aux chrétiens privés de pouvoir ou minoritaires de ne pas céder à la tentation de se replier sur eux-mêmes ou d'émigrer, comme cela se passe au Proche-Orient ? »
« Dans cette optique, poursuit-il, l'islam constitue une épreuve, un défi, un appel indirect à la conversion pour connaître et imiter Jésus, pour les chrétiens du Proche-Orient comme pour l'Église tout entière. »
« Le dialogue est pour moi un engagement politique »
Ainsi, pour le jeune jésuite, toute l'Église, y compris à Rome, est appelée à vivre un « processus d'ouverture aux grandes réalités non chrétiennes qui nous entourent et véhiculent des valeurs, ou du moins des exigences authentiques (…) Nous pourrons alors, sans peur, pénétrer toutes les réalités et au contact de celles-ci, il nous sera enseigné ce qu'il faut dire ; la foi se revêt, s'incarne, s'exprime dans la réalité rencontrée et moi-même, en présence du frère rencontré, je fais l'expérience nouvelle de la sagesse multiforme de Dieu ». « Ce processus, poursuit le jeune diacre, est celui de l'incarnation et s'applique à la vie concrète de chacun : famille, travail, culture, idéologie… Bien entendu, ce n'est pas moi qui m'incarne, mais la vérité qui, à travers le dialogue, advient parmi nous. »
« Il s'agit bien plus souvent d'un problème de méthode que d'étiquette, poursuit le futur fondateur du monastère syriaque de Mar-Moussa, en Syrie. Avec un ami musulman, nous avons l'habitude de dire qu'il n'y a que deux partis : celui de l'extrémisme fanatique (où je suis le critère pour juger les autres) et celui de Dieu (au contraire du premier, il invite à chercher et trouver la beauté de son visage en toutes choses). Il me semble qu'il y a là un bon critère de jugement et d'autocritique pour le monde et l'Église d'aujourd'hui. »
« Le dialogue est également pour moi un engagement politique parce qu'il aboutit à la paix et à la justice », développe-t-il encore. Fondé sur des « gestes concrets » et non sur du « bavardage », ce dialogue implique tous les niveaux de l'existence, de la religion à l'économie. « Il y a du travail pour tout le monde ! », conclut-il.
Envoyé de mon Ipad
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