Les hommes en trop dans les tenailles de l'histoire
RENTRÉE LITTÉRAIRE - Jean-François Colosimo signe un essai engagé sur le drame des chrétiens d'Orient, dépositaires du christianisme originel, persécutés par les islamistes.
Voilà un livre que n'aimeront pas les esprits tièdes ou trop prudents. Jean-François Colosimo ne s'est pas contenté de décliner les malheurs qui frappent les communautés chrétiennes orientales, dont l'exode ou les persécutions nourrissent aujourd'hui l'actualité médiatique. Il fait aussi œuvre d'historien en essayant de communiquer au lecteur les données à la fois théologiques, historiques et politiques d'un drame qui le dépasse le plus souvent.
La pire injure que l'on pourrait faire aux chrétiens d'Orient serait «de les plaindre pour mieux les oublier» en les cantonnant dans un statut de victime intemporelle, sans essayer de comprendre le sens de la tragédie qui leur échoit. Chrétien converti à l'orthodoxie et spécialiste du monde des religions, auquel il a consacré plusieurs livres, de Dieu est américain au Paradoxe persan en passant par L'Apocalypse russe, Jean-François Colosimo sillonne depuis de nombreuses années le Moyen-Orient.
De la Turquie à l'Égypte en passant par la Syrie, l'Irak, l'Iran, la Jordanie et l'Arménie, sans oublier Israël et Gaza, il nous emmène sur les lieux de ses pérégrinations, à la rencontre de ceux qui s'obstinent à rester fidèles à leurs rites d'origine, malgré la pression de l'islam ou l'indifférence de l'Occident. «La quête de spiritualité rend actuels leurs archaïsmes. On les nomme chrétiens d'Orient. Eux-mêmes se considèrent comme orthodoxes, c'est-à-dire dépositaires du christianisme originel, témoins de la tradition primitive et indivise. L'engouement que suscitent leurs icônes ne leur rend pas pour autant justice…», écrit-il.
Quelques pages plus loin, il enfonce le clou: «Pourquoi se soucie-t-on des chrétiens d'Orient uniquement lorsqu'ils sont à l'agonie?»C'est pour tenter de leur «rendre justice» que Jean-François Colosimo a conçu ce livre très sombre dont certaines pages sont saisissantes mais qui aurait gagné à être écrit dans un style plus simple et pédagogique, tant la réalité du christianisme oriental est hétérogène et complexe.
Les boucs émissaires d'une mondialisation malheureuse
Mais l'essentiel n'est pas là. L'auteur n'a pas conçu un ouvrage objectif mais un essai engagé. Il fustige l'islamisme mortifère dont les chrétiens sont les premières victimes, tout en critiquant l'interventionnisme américain qui, en provoquant la chute du régime laïc de Saddam Hussein qui protégeait les chrétiens, a encore plus insécurisé ceux-ci. «Arabes par la culture aux yeux des Occidentaux, Occidentaux par le culte aux yeux des musulmans, les chrétiens d'Irak et avec eux tous les chrétiens orientaux» sont, selon l'auteur, les boucs émissaires d'une mondialisation malheureuse qui exaspère le choc des identités entre un Occident postchrétien et un monde islamique déstabilisé.
Pris au piège dans les tenailles de l'histoire, les chrétiens d'Orient sont les victimes d'une tragédie dont nul ne sait le dénouement. Reste l'espérance de ceux qui croient que l'injustice et le crime n'auront pas le dernier mot. «Je sais seulement que le Dieu de l'Orient chrétien est un Dieu inexorable, car il est le Dieu qui, pour l'homme, a tout pâti de l'homme (…) C'est pourquoi il est aujourd'hui sur la Croix.» Un voyage au bout de la nuit qui est aussi une profession de foi.
«Les hommes en trop: la malédicion des chrétiens d'Orient», de Jean-François Colosimo, Fayard,312 p., 19 €.
Envoyé de mon Ipad
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