Du 29/3/2015
Mgr Petros Moshe : « Huit mois après, les chrétiens d'Irak déplacés sont épuisés moralement »
Il revient sur la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU et appelle la communauté internationale à libérer rapidement la plaine de Ninive de l'emprise de Daech.
Le Conseil de sécurité de l'ONU s'est penché vendredi 27 mars sur le sort des chrétiens d'Orient et des autres minorités à la demande de la France, qui le préside. Que pensez-vous de cette initiative ?
Mgr Petros Moshe : C'est un bon geste de se réunir sur un sujet aussi important et sur lequel il est urgent d'agir. J'espère qu'il en sortira autre chose que des bonnes paroles, que les décisions seront fortes. L'objectif principal aujourd'hui doit être la libération des villes et des villages de la plaine de Ninive, en Irak, et de venir à bout de cette idéologie (NDLR : de Daech) qui fait du mal à tous, chrétiens comme musulmans. Et en attendant, la communauté internationale doit penser aux personnes déplacées pour les aider à surmonter cette épreuve en leur assurant des conditions dignes de logement, d'hygiène, d'alimentation…
Il faut aussi préparer la reconstruction des villes et des villages, préparer la remise sur pied des services qui seront nécessaires, et préparer surtout leur protection de leurs voisins. Nous avons été trahis par le gouvernement irakien, nous avons été chassés sans résistance de notre armée : nous voulons une force internationale jusqu'à ce que le gouvernement irakien soit en mesure d'assurer notre protection.
Quel est le premier pas à poser en vue de cette libération ?
Mgr P. M. : Mais s'ils veulent libérer Mossoul et la plaine de Ninive, ils le peuvent ! Saddam Hussein, avec toutes ses armées, a été chassé en quelques jours. Je trouve étrange que cette libération n'ait pas encore eu lieu : je ne suis pas un homme politique, mais je ne pense pas que Daech soit si puissant pour contrarier les armées engagées dans la coalition.
Quelle est la situation aujourd'hui de votre diocèse de Qaraqosh ?
Mgr P. M. : Sur les 12 000 familles qu'il compte, près de 4 000 déjà sont hors d'Irak : j'espère qu'elles rentreront une fois la plaine de Ninive libérée. Pour le moment, mes prêtres sont tous restés avec leur peuple, fidèles à leur communauté.
La scolarisation des enfants déplacés est une préoccupation depuis qu'ils se sont réfugiés au Kurdistan irakien en août dernier. Où en est ce dossier ?
Mgr P. M. : L'urgence était telle que nous avons souhaité agir sans attendre la construction de nouvelles écoles au Kurdistan, grâce à des donateurs privés. Nous avons donc loué 5 maisons (dont 2 grâce à l'aide de l'association Fraternité en Irak) pour organiser le primaire et le secondaire : 1 700 enfants y sont scolarisés, ils sont serrés, ils n'ont pas école tous les jours, et se relaient dans les salles, mais c'est mieux que rien.
Les professeurs sont les déplacés eux-mêmes, qui sont à nouveau payés par le gouvernement : ils savent que c'est leur devoir et veulent se donner à leurs enfants. Nous manquons en revanche de moyens de transport pour les acheminer vers les écoles, les parents n'ayant pas les moyens de le faire. Quant aux étudiants, nous essayons de trouver une solution pour que 134 d'entre eux puissent s'inscrire à l'université de Kirkouk (NDLR : où les cours sont donnés dans leur langue, en arabe, et non en kurde comme à Erbil).
Le gouvernement kurde vous apporte-t-il l'aide nécessaire ?
Mgr P. M. : Les relations avec le gouvernement kurde sont normales. On est accueilli chez eux, on ne peut pas demander plus.
Quel est le moral de vos diocésains ?
Mgr P. M. : Ils sont très fatigués, épuisés par cette situation : ils vivent dans des bâtiments inachevés, manquent d'hygiène, de confort, d'intimité… Cela fait huit mois qu'ils survivent ainsi sans voir clairement quel sort les attend, ils attendent leur libération. Les maladies physiques et mentales se répandent.
Qu'attendez-vous de la France ?
Mgr P. M. : Nous avons besoin de beaucoup de prières. Ces 12 000 familles souffrent parce qu'elles ont voulu sauvegarder leur foi, elles méritent de l'aide. Il faut montrer que l'on veut les soulager dans cette épreuve : rien de ce que l'on fera pour elles ne sera suffisant !
» Lire aussi : Laurent Fabius : « La protection des chrétiens d'Orient est une tradition pour la France »
Propos recueillis par Anne-Bénédicte HoffnerEnvoyé de mon Ipad
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.