Alors que la situation en Syrie apparaît chaque jour plus chaotique, la communauté orthodoxe d'Antioche a perdu hier son patriarche, Ignace IV, victime d'une attaque cérébrale dans sa 92e année. Il est décédé à l'hôpital Saint-Georges, à Beyrouth, dans la matinée. Aussitôt, le Liban a décrété un jour de deuil national pour ses obsèques, dont la date n'a pas été précisée.
Dans un communiqué, l'Assemblée des évêques orthodoxes de France (AEOF) a salué la mémoire de celui qui fut l'une des « figures dirigeantes les plus marquantes » du Patriarcat d'Antioche. Héritière de la pentarchie originelle, cette Église orthodoxe autocéphale, l'une des plus anciennes du christianisme, compte 200 000 fidèles dans le Golfe, 400 000 au Liban, et surtout 1 300 000 en Syrie, où se trouve son siège patriarcal de Damas.
C'est dire si cette disparition intervient à un moment délicat pour les chrétiens de Syrie, pris en étau entre une dictature finissante et une opposition comptant dans ses rangs des islamistes radicaux. Dans ce contexte, le patriarche Ignace IV avait su se tenir sur un fil, composant avec le régime sans jamais se compromettre. Sa boussole, c'était l'éthique qu'imposait à ses yeux la foi chrétienne.
« Position médiane »
En octobre dernier, à Balamand, au nord du Liban, le saint-synode du Patriarcat d'Antioche avait adopté une déclaration de principe sur la situation au Moyen-Orient et en Syrie, appelant à la paix et mettant l'accent sur le devoir de citoyenneté et l'égalité de tous devant la loi. Ce faisant, explique Carol Saba, porte-parole de l'AEOF, « Ignace IV renvoyait tout le monde dos à dos, invitant les chrétiens à s'engager dans la vie de la cité comme partenaires de leurs concitoyens musulmans. Cette position médiane faisait sa force ».
Le patriarche, à la fois ascète et pasteur doué d'un langage théologique accessible, était né en 1921 à Mhardeh, dans la province de Hama, à l'ouest de la Syrie. Dans les années 1940, Habib Hazim – son nom d'état civil – étudie la philosophie à l'Université américaine de Beyrouth, avant de suivre une formation liturgique à l'Institut Saint-Serge à Paris. À son retour, il fonde l'institut de liturgie orthodoxe à l'Université de Balamand.
Consacré évêque en 1962, il est élu 157e patriarche d'Antioche en 1979. En 2006, il avait déploré l'intervention américaine en Irak, qui avait mis à mal l'« équilibre fragile » des confessions, exprimant par ailleurs son « inquiétude » après le discours de Benoît XVI à Ratisbonne. Interrogé par La Croix en 2008, Ignace IV insistait sur la nécessaire convivialité entre musulmans et chrétiens au Proche-Orient, ignorant alors que le Printemps arabe rendrait cette exigence plus cruciale encore.
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