Rechercher l'intérêt supérieur du pays en s'accordant sur une loi électorale nouvelle, en formant un gouvernement d'entente nationale, et en tenant le Liban soigneusement à l'écart des convulsions de la crise syrienne comme de tous les axes politiques régionaux et mondiaux, telles sont les recommandations politiques adressées par le patriarche Raï aux protagonistes de la crise interne, en cette saison de fêtes.
À ceux qui appuient les divers printemps arabes, le message patriarcal fait remarquer que le cours de ce printemps n'est pas sans « surprises », et qu'il est marqué par des « régressions » antidémocratiques.
Aux yeux de tous, le message souligne que, tout comme il y a 2 000 ans, « c'est le même Christ qui, ici et maintenant, nous annonce un salut dans toutes ses dimensions spirituelles et sociales, culturelles et politiques, économiques et de développement ».
Voici l'essentiel du message de Noël du patriarche maronite, le second de son patriarcat, dans une traduction libre :
« C'est en pleine nuit, dans les ténèbres du monde, qu'est né le Sauveur divin. Sa gloire a resplendi, lumière des nations. Aux bergers qui gardaient leurs troupeaux, la nuit, dans les environs de Bethléem, un ange a annoncé : "Je vous annonce une grande joie qui sera celle de tout le peuple (...), un sauveur vous est né qui est le Christ seigneur" (Luc 2,10-11).
« Pour nous et pour le monde, la Nativité est l'annonce d'un salut, une lumière dans les ténèbres de notre vie, la paix dans les cœurs et parmi les hommes. Le début d'une ère nouvelle. Et c'est dans cette grande joie que je puise, pour adresser mes vœux de Noël et du Nouvel An les plus chaleureux à tous les Libanais ainsi qu'aux peuples de cet Orient, à nos frères répandus sous tous les cieux, aux pasteurs de notre Église maronite, à ses prêtres, ses religieux et religieuses et à tous ses enfants où qu'il soient, ainsi qu'à toutes nos institutions éducatives, sociales, hospitalières et de développement.
Un événement d'actualité
« L'événement qui s'est produit il y a 2012 ans se renouvelle et se prolonge aujourd'hui et tous les jours. C'est le même Christ qui, ici et maintenant, nous annonce un salut dans toutes ses dimensions spirituelles et sociales, culturelles et politiques, économiques et de développement. Sa volonté est que nous soyons à notre tour, par sa grâce, une annonce vivante et active, que nous soyons porteurs de cet engagement.
« Le Christ est notre lumière dans les ténèbres de ce monde. Cette obscurité, il la dissipe par la lumière qui émane de sa personne, de sa parole, de ses paraboles et de ses actes. Il nous demande de réfléchir sa lumière, pour que nous dissipions, par sa force, par nos actes, nos initiatives, nos plans religieux et civils, individuels, collectifs ou institutionnels, les ténèbres qui nous entourent, et qui sont innombrables.
Les ténèbres dans leur diversité
« Ces ténèbres proviennent en effet de l'obscurité, de la pauvreté, de la maladie et de la tristesse ; elles proviennent de l'illettrisme, de l'ignorance et de la privation ; des crises politiques et économiques ; de l'exclusion mutuelle, des divisions ; du désespoir et du repli, le désespoir de la crise de la foi et des difficultés spirituelles, morales et matérielles, le désespoir de la corruption des mœurs par le consumérisme, la pornographie, l'hédonisme, la drogue ; les ténèbres de l'égoïsme, des intérêts privés sectaires qui supplantent l'intérêt général ; les ténèbres de nos prises de position mercenaires ou hégémoniques qui nous figent et nous emprisonnent.
« La lumière du Christ, source de toute lumière pour l'Église et les fidèles, se réalise aujourd'hui pour nous, selon la prophétie d'Isaïe : "Le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu une grande lumière ; sur les habitants du sombre pays, une lumière a resplendi" (Isaïe 9 :1).
« Oui, dans les ténèbres de notre nuit retentit l'annonce de l'ange, à laquelle fait écho l'appel du bienheureux pape Jean-Paul II : "Ouvrez les portes au Christ! Ouvrez-les grandes à sa force salvatrice ! Ouvrez les frontières des nations, des régimes économiques et politiques, les espaces de la culture, de la civilisation et du développement." Comme le dit l'ange aux bergers, il nous dit à nous : "N'ayez pas peur ! Le Christ sait ce qu'il y a dans l'homme. Lui seul le sait" (21 novembre 1978, discours d'ouverture de son pontificat).
La paix, don et œuvre des hommes
« Le Christ est notre paix, il l'est dans les cœurs et entre les hommes. Il nous invite à être artisans de paix. Dans son Exhortation apostolique, "L'Église au Moyen-Orient, communion et témoignage", le pape Benoît XV écrit : « La paix (...) est l'état de l'homme qui vit en harmonie avec Dieu, avec lui-même, avec son prochain et avec la nature. Avant d'être extérieure, la paix est intérieure. Elle est bénédiction. La paix est justice et se réalise dans l'épanouissement humain total de la personne, ainsi que dans le développement moral, économique et environnemental de la société. Cependant, l'Église n'oublie pas qu'avant tout, la paix est un fruit de l'esprit qu'il ne faut cesser de demander à Dieu et que nous obtenons selon sa parole : qui demande reçoit (Matthieu 7 et 8 et Exhortation 9 et 10).
« ( ...) Le Liban et l'Orient ont besoin de paix, don de Dieu et œuvre des hommes, pour sortir nos pays des ténèbres de la violence, de la guerre et du terrorisme, des ténèbres de la destruction, des exodes et des exils ; des ténèbres des prisons et des salles de torture ; des ténèbres de la domination de régimes tyranniques, des ténèbres de la dictature, du totalitarisme et du radicalisme ; des ténèbres de l'agression, contre la vie humaine sous toutes ses formes sensibles et morales, et contre toute personne, fut-elle encore dans le ventre maternel ou nouvellement née ; des ténèbres de l'agression contre la propriété privée et les richesses d'autrui.
Respect de la dignité de l'homme
« Toutes ces ténèbres ont pour cause le non-respect de la vie humaine et de la dignité de l'homme. Dans l'un de ses discours, prononcé au cours de sa visite au Liban, le pape a recommandé : "Si vous voulez la paix défendez la vie. L'efficacité de notre engagement à la paix est liée à notre compréhension de ce qu'est la vie humaine. L'acceptation inconditionnelle de la dignité de tout être humain, de la dignité de chacun d'entre nous et du caractère sacré de la vie est à l'origine de notre responsabilité, devant Dieu, de rejeter la guerre et la violence, et de nous hâter de trouver des solutions aux crises politiques, économiques et sociales."
« Le Saint-Père ajoute : "Le chômage, la pauvreté, la corruption, l'exploitation, le terrorisme rabaissent la dignité humaine. La perte de n'importe quelle vie humaine est une perte pour l'humanité entière. Il faut une solidarité réelle pour éliminer ce qui fait obstacle au respect de chaque être humain, et pour appuyer les politiques et les initiatives qui œuvrent en toute sincérité et justice pour l'unité des peuples, et pour renforcer la coopération et le dialogue véritable, ainsi que la confiance réciproque, en vue du bien commun. Il nous faut une éducation à la paix, à la construction d'une civilisation de paix" (discours au palais présidentiel, le 15 novembre 2012).
Appel aux protagonistes de la crise
« À la lumière de ces principes, nous appelons à nouveau les protagonistes de la crise politique au Liban à être des artisans de paix et à rapidement prendre l'initiative de mettre au point une nouvelle loi électorale autre que la loi de 1960 qui est, de l'aveu général, à l'origine de nos crises; nous les appelons aussi à former un nouveau gouvernement correspondant à la règle de convivialité et capable de conduire le pays vers des élections législatives pacifiques à la date qui leur est prévue; un nouveau gouvernement qui s'engagerait à un plan de redressement économique solide, un gouvernement qui créerait une atmosphère adéquate de réconciliation nationale et qui épargnerait au Liban, terre, peuple et institutions, les répercussions de la guerre en Syrie et des secousses du monde arabe, et qui orienterait le pays loin des axes régionaux et mondiaux, afin qu'il soit un point de stabilité et de paix régionale, un espace de rencontre et de dialogue pour tous.
Les douleurs d'un nouvel enfantement
« Voilà la bonne nouvelle que nous portons, nous chrétiens, au Liban et aux pays du Moyen-Orient qui vivent les douleurs d'un nouvel enfantement, et qui se heurtent, tout surpris, à des phénomènes et à des signes de régression, par rapport à leurs aspirations à une meilleur patrie et une meilleure société.
« Il est clair que la région a besoin de plus de modération dans son cheminement vers la démocratie ; une démocratie où les peuples seraient reconnus dans la diversité de leurs composantes culturelles, politiques et religieuses, et où ces peuples seraient à l'origine des pouvoirs et des institutions constitutionnelles. Une démocratie qui assurerait l'alternance au pouvoir, le renouvellement des élites politiques, la continuité des réformes, la diversité intellectuelle et politique, le multipartisme, la reconnaissance de l'autre ; une démocratie qui reconnaîtrait aussi les libertés publiques, à commencer par la liberté d'opinion, de croyance et de culte, et renforcerait les libertés fondamentales, loin de toute violence, de toute intimidation, de toute domination, oppression ou discrimination. Enfin, dans cette démocratie, il y aurait une séparation entre la religion et l'État, mais on y éviterait aussi bien la laïcité négative qui élimine le religieux et ses valeurs de la vie civile, que le fondamentalisme religieux qui instrumentalise la religion pour s'imposer aux consciences, accaparer le pouvoir, même par la violence et la terreur, comme nous en avertit l'Exhortation apostolique (chapitre 30). »
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