Dans son communiqué condamnant dimanche 15 février l'assassinat en Libye de 21 coptes par des djihadistes, l'Élysée s'est borné à les qualifier de « ressortissants égyptiens ».
Une « faute » pour l'Œuvre d'Orient, qui regrette qu'une certaine conception de la laïcité ne nuise à la fois « à la vérité et à la compréhension de la situation locale ».
Dimanche 15 février soir, alors que le groupe Daech en Libye venait de diffuser une vidéo montrant la décapitation de 21 hommes présentés comme coptes – un bandeau en incrustation expliquait en outre que le message s'adressait au « peuple de la Croix fidèle à l'Église égyptienne ennemie » – l'Élysée a publié un communiqué laconique : « Le président de la République condamne avec la plus grande fermeté l'assassinat sauvage de 21 ressortissants égyptiens, otages de Daech en Libye. Il dénonce l'appel au meurtre et à la haine religieuse des terroristes. »
Le lendemain, à nouveau, après s'être entretenu par téléphone avec son homologue égyptien, le président Abdelfattah Al-Sissi, François Hollande a indiqué lui avoir « renouvelé l'expression de sa solidarité après l'assassinat de 21 ressortissants égyptiens en Libye ». De son côté, le ministère des affaires étrangères dénonçait, lui, « l'assassinat de 21 Égyptiens coptes en Libye, (...) un crime abject qui illustre, à nouveau, la cruauté et la lâcheté de l'organisation terroriste Daech ».
« Une faute lourde »
Immédiatement, sur les réseaux sociaux, des internautes - chrétiens ou non - se sont étonnés du silence de l'Élysée sur l'appartenance religieuse des 21 victimes, pourtant mentionnée à plusieurs reprises dans la vidéo. Directeur de l'Œuvre d'Orient, Mgr Pascal Gollnisch y voit « une faute lourde » : « Quand on porte atteinte à des juifs danois ou français, il est bien sûr important de rappeler qu'ils sont danois ou français, mais il faut aussi souligner qu'ils ont été tués parce que juifs. En Libye, il est très clair que c'est contre des chrétiens que Daech a voulu agir, que leur foi était visée ». Dans un communiqué publié mardi 17 février, l'Œuvre d'Orient dit ainsi son « souhait que l'appartenance religieuse chrétienne des victimes ne soit pas escamotée » et que « la France présente ses condoléances au patriarche copte ».
Reconnaître que, dans certains situations, les chrétiens sont persécutés en tant que tels
Pourquoi ce silence ? Hier, le service de presse de l'Élysée n'a pas souhaité répondre, laissant libre cours aux hypothèses. La réticence des pouvoirs publics français, mais aussi des ONG françaises, à nommer l'appartenance religieuse des victimes dans les conflits en cours, en Syrie et en Irak par exemple, est pourtant un constat récurrent. Certains y voient la conséquence d'une politique étrangère fondée sur la doctrine universaliste des droits de l'homme, teintée de surcroît - dans le cas français - d'une forte imprégnation laïque. « Nous ne demandons pas des privilèges pour la minorité chrétienne mais que l'on reconnaisse que, dans certaines situations, elle est persécutée en tant que telle », insiste le P. Gollnisch, qui regrette qu'un « certain laïcisme conduise à une incompréhension du fait religieux », au risque de rendre « inintelligible » la situation au Moyen-Orient.
« Il est important bien sûr que la France garde cette politique des droits de l'homme, appuie de son côté l'ancien directeur de la prospective au Quai d'Orsay et spécialiste du Moyen-Orient, Joseph Maïla. Mais nous devons aussi reconnaître que tout le monde n'est pas touché de la même manière par les atteintes aux droits de l'homme. Il faut donc aussi des politiques qui nomment les victimes - les yézidis, les chrétiens en Irak par exemple - qui s'occupent de les protéger sur place, de les accueillir ou de les aider à retourner chez elles. »
Envoyé de mon Ipad
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